Après avoir tâté le terrain et sondé de façon subtile l’opinion publique guinéenne sur la question de la hausse des prix des hydrocarbures, l’heure est au repli stratégique, car tous les chemins menaient à une crise sociale. Tous les ingrédients du clash social étaient pratiquement réunis avec en filigrane les dernières confrontations politiques nées du dernier referendum constitutionnel et de l’élection présidentielle contestée d’octobre 2020.

Le gouvernement s’est fendu d’un communiqué ce lundi 31 mai 2021, indiquant que le comité paritaire de fixation des prix des produits pétroliers a décidé de maintenir intact le prix du litre à la pompe à 9 000 GNF tout en ouvrant la voie au dialogue sur la question.

De la flexibilité des prix

La crise socio-politique qui était déjà latente et perceptible ne pouvait que déboucher sur une nouvelle crise politique en ces temps d’accalmie précaire. Les débats sur la hausse éventuelle des prix des carburants à la pompe ont été vifs et animés ces dernières semaines et ont d’une manière ou d’une autre permis d’éclairer la lanterne des Guinéens sur la question de la flexibilité des prix des hydrocarbures.

Ils auront même permis de démonter, si l’on en croit l’ancien ministre de l’Économie et des finances, sous Lansana Conté, Dr Ousmane Kaba une « théorie de la subvention » en ayant affirmé qu’en réalité que le carburant n’a jamais été subventionné en Guinée et qu’il ne s’agirait ni plus, ni moins que d’un abus de langage. Pour l’ancien ministre de l’Économie sous Lansana Conté, le gouvernement n’a jamais subventionné le prix du carburant.

De la théorie de la subvention 

 » Les derniers chiffres que j’ai, c’est de 2018. Vous avez à peu près 5000 francs guineens qui servent à importer, vous avez à peu près 1500, c’est les frais et la rémunération des intermédiaires et le gouvernement 3000 francs, ça donne les 10.000. Mais il arrive que quand on fait le calcul, on peut avoir 10.500, alors que le prix de vente est 10.000, le gouvernement dit on a perdu 500, donc au lieu d’avoir 3000, il va avoir 2500 par litre, on appelle ça les moins-values, ce ne sont pas des pertes, ce sont des moins-values, et le gouvernement ne subventionne pas, le gouvernement gagne moins d’argent avec le carburant, c’est un abus de langage où j’ai même rencontré dans les rapports du Fonds monétaire, on dit subvention, ce n’est pas vrai, subventionner quelque chose, c’est prendre votre argent pour aider le consommateur, payer à la place du consommateur, ça n’a jamais été le cas » a soutenu l’ancien ministre. Si le gouvernement Guinéen conçoit pour sa part cette subvention en termes de manque à gagner fiscaux, il admet tout de même que ce sont, comme l’a relevé Dr Ousmane Kaba, des moins-values fiscales.

Avec ce repli gouvernemental sous la pression des leaders politiques et sociaux qui ont fortement suscité le débat et mis en garde les autorités, conjugué avec le contexte de crise globale, la question n’est pas de savoir si le gouvernement va revenir à un moment où à un autre pour procéder à une hausse éventuelle des prix des carburants, en s’appuyant sur le principe de flexibilité, mais s’il tiendra compte à l’avenir comme il l’a fait pour maintenant, de la situation sociale, économique et politique du pays pour décider d’une hausse des prix des hydrocarbures.

Ecouter les cris de cœurs du peuple

Car, il faut le noter, quelles que soient les intentions mercantiles qui étaient derrière cette volonté de hausse des prix, et au-delà de toutes les intentions prêtées au gouvernement, ce repli, même s’il est contraint ou forcé devrait faire jurisprudence pour le gouvernement et ce n’est pas une faiblesse en soi mais de la hauteur, car écouter les cris de cœurs de son peuple relève de la grandeur d’esprit d’un gouvernant, surtout en ces temps de crise sanitaire et économique.

Mamadou Aliou Diallo pour GCO

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