La scène de la douche dans le film Psychose d’Alfred Hitchcock, avec sa bande sonore de film d’horreur composée par le légendaire compositeur Bernard Herrmann, vient immédiatement à l’esprit.
Au départ, Hitchcock pensait que la scène de la douche n’avait pas besoin de musique, mais Herrmann a tout de même composé une musique pour cette scène, qu’il a finalement utilisée à merveille. La musique de cette scène, ainsi que le reste de la bande sonore du film, a servi de modèle pour la musique des films d’horreur pendant des années et constitue un exemple du pouvoir de narration de la musique de film.
Dans mon travail de professeur et chercheur en musique, je me concentre sur la créativité et le développement des capacités d’écoute chez les enfants. Ayant travaillé auparavant comme directeur musical dans la publicité, j’ai pu constater l’effet de la musique sur les perceptions et les émotions des gens.
Depuis la sortie en 1927 de The Jazz Singer, le premier film commercial sonorisé, la musique est fortement liée à l’expérience cinématographique.
Le cinéma et la musique ont toujours été indissociables
Même à l’époque des films muets, la plupart des cinémas engageaient un musicien ou un groupe de musiciens pour jouer de la musique, principalement pour couvrir le bruit des projecteurs et des conversations. Ces musiciens jouaient souvent des morceaux de musique classique d’Europe occidentale de compositeurs tels que Tchaïkovski et Wagner, ainsi que de la musique folklorique et populaire. Il était fréquent que le même film diffusé dans différents cinémas du pays ait des accompagnements musicaux entièrement différents.
La technologie du son sur pellicule a donné naissance à la bande sonore unifiée et, finalement, à la pratique consistant à engager des compositeurs pour créer de la musique originale pour les films. Comme la musique écrite pour un opéra, la musique de film sert à faire avancer l’histoire et l’action. Tout comme un compositeur d’opéra doit suivre le livret, ou texte de l’opéra, un compositeur de film doit soutenir l’intrigue du scénario. La musique doit également refléter l’ambiance du scénario, ce qui inclut tout, de l’action à l’écran aux effets sonores en passant par les dialogues.
Trouver la « bonne » musique pour un film peut améliorer et parfois même changer la perception des spectateurs. Essayez simplement d’imaginer que le thème des Dents de la mer de John Williams pendant la première baignade du film soit remplacé par un morceau de musique calme. En un instant, l’ambiance passerait de la peur à la sérénité d’une baignade dans l’océan. En tant qu’éducatrice musicale, j’ai fait cette expérience avec des élèves de collège, de lycée et d’université au fil des ans, et cela ne manque jamais de les surprendre.
Le pouvoir de la musique au cinéma
La plupart du temps, la musique est utilisée pour souligner l’action à l’écran, renforcer l’ambiance d’une scène, préfigurer l’action qui va se dérouler ou même transmettre l’émotion intérieure d’un personnage. Si les compositeurs et les réalisateurs ne veulent généralement pas dominer la narration, dans de nombreux cas, la puissance émotionnelle des images ne serait pas aussi grande sans la musique.
Par exemple, on ne s’attendrait pas à trouver le compositeur classique Aaron Copland au même générique que le groupe de rap Public Enemy, mais Spike Lee a utilisé la musique de ce maître compositeur américain avec succès dans son film He Got Game. Dès le début, la musique de Copland donne le ton d’un film émotionnel et tendu sur le basket et les choix difficiles et complexes auxquels est confronté un jeune joueur prometteur.
L’ouverture est un montage de séquences au ralenti qui montre des petits Américains de la campagne juxtaposés à des jeunes urbains. Ce montage s’accompagne du titre « John Henry » de Copland, avec son son lent et expansif. Cette composition s’inspire de l’histoire de John Henry, héros folklorique américain, « pousseur d’acier » hors pair qui contribua selon le mythe à prolonger le chemin de fer vers l’Ouest à travers les montagnes, travaillant avec plus d’efficacité qu’une machine à vapeur.
La chanson recrée le son sous-jacent du mouvement d’un train avec une pulsation rythmique sous la mélodie. De temps en temps, on peut entendre un marteau qui frappe, créé par des frappes à contretemps de percussions et de cordes ou de percussions et de cuivres. La séquence du film est montée de manière à ce que les scènes de jeunes urbains se déroulent principalement pendant ces coups de marteau qui s’entrechoquent. Ce faisant, Lee met en évidence – par la musique – les différences et les disparités entre les expériences des jeunes ruraux et des urbains. Le générique prépare ainsi le spectateur à l’histoire émouvante qui va suivre.
Dans le film Platoon, un film d’action sur la guerre du Viet Nam, le compositeur utilise le contraste pour surprendre le spectateur. Plutôt que la musique d’une fanfare militaire ou quelque chose de fort et rapide, on entend les cordes orchestrales de « Adagio for Strings » de Samuel Barber.
Dans ce cas précis, le tempo – la vitesse de la musique – joue un rôle important dans la création de l’effet désiré. Mesuré en battements par minute, le tempo peut modifier la sensation et le rythme de ce qui se passe à l’écran. Les compositeurs désignent le tempo souhaité en utilisant une terminologie musicale dédiée, en italien. Dans le cas présent, « adagio » indique un tempo lent, généralement compris entre 66 et 76 battements par minute. La musique est également dans une tonalité mineure, qui peut véhiculer la tristesse – un autre facteur contribuant à l’émotion que provoque cette musique dans la scène. Il en résulte une critique à couper le souffle sur les ravages de la guerre.
La prochaine fois que vous regarderez un film, ou même votre émission de télévision préférée, faites attention à ce que vous ressentez dans une scène, puis prêtez attention à la musique qui l’accompagne.