Entre la FESATEL d’un côté et le régulateur ARPT et le ministère de postes et télécommunications de l’autre, c’est le grand désamour. Le premier dénonce, menace d’aller en grève, puis met sa menace à exécution; les seconds narguent le premier avec condescendance.
Nous sommes face à un dialogue de sourds qui n’augure rien de bon pour les consommateurs, et en général pour le secteur de la téléphonie assailli par une gestion pénible, pour les utilisateurs tant sur le plan de la qualité des services, qui est parmi les plus piètres sur le continent. Que dire des coûts liés aux services téléphoniques, également parmi les plus élevés?
Il faut dire que c’est un domaine très sensible, ce qui explique toute la fébrilité étatique qui entoure cette annonce de grève, mais les menaces et les mises en garde ne résolvent rien du tout.
Nous sommes en face d’un mélange des compétences digne d’un film de science-fiction. Le ministre qui regrette lui-même que la FESATEL se mêle d’un problème qui ne le regarde pas, puisque selon lui, ce sont les sociétés de téléphonie qui sont concernées par les taxes, feignant d’ignorer que les taxes ont toujours un impact par ricochet d’une manière ou d’une autre sur les consommateurs,… car ayant un impact sur les entreprises et par principe de causalité sur l’environnement des travailleurs et leur rapport à la société.
Les véritables problématiques sont là, elles sont réelles. Ce sont pour la syndicale FESATEL, l’amélioration des conditions de vie des travailleurs du secteur, car ils sont confrontés parfois à un mauvais traitement et souvent à des licenciements abusifs; pour le ministère, la priorité devrait être la fourniture des meilleurs services de télécommunications aux populations guinéennes, à des conditions justes, équitables et raisonnables, en veillant notamment à l’investissement dans ce secteur et à l’application de la réglementation technique, juridique et fiscale qui balisent les services de télécommunications. Cela, à travers les instruments et agences techniques comme l’ARPT entre autres, qui facilitent le suivi pour le ministère des postes et télécommunications.
En réalité, L’ARPT devrait travailler pour l’intérêt des consommateurs et s’opposer à toute initiative susceptible de porter préjudice aux consommateurs guinéens. Donc son rôle est de défendre sur le plan technique, juridique et fiscal, les intérêts de l’État guinéen mais aussi des populations guinéennes bénéficiaires des services. Le ministère des postes et télécommunications à travers l’ARPT, doit faire preuve d’un volontarisme patriotique pour l’amélioration de la qualité des services des sociétés de téléphonie (réseau GSM, internet et les services affiliés) qui n’est pas reluisant comparé à la qualité offerte dans des pays voisins comme le Sénégal, le Mali ou la côte d’ivoire, avec un rapport qualité-prix justifié et raisonnable.
Que le régulateur ne se perde pas de combat
La Guinée fait partie des trois pays du continent à la plus mauvaise connexion internet et l’une des plus chères, selon un récent rapport de la Worldwide Broadband Speed League publié en juillet 2018, qui présente les marchés où il fait bon de surfer sur Internet. Sur une liste de 46 pays africains, la Guinée est 45ème avec une vitesse de 0.65 Mbps où Madagascar affiche 24.87 Mbps ! le Kenya 10.11 Mbps; l’Afrique du Sud 6.3 Mbps. Voici les défis auxquels l’ARPT Guinée devrait s’atteler à résoudre au lieu de brandir des menaces incendiaires contre des syndicalistes qui sont dans leur rôle de répondants face aux patrons des sociétés de téléphonie.
À titre de comparaison, en 2017, l’agence de régulation des télécommunications de Côte d’Ivoire a infligé de lourdes amendes aux trois opérateurs de téléphonie mobile du pays, à l’issue d’un audit des services (à l’exception du mobile money) pour des manquements divers au cahier des charges, comme des défaillances dans les services internet, les SMS et tenez-vous bien….des centres de relation clientèle !
Les consommateurs sont désarmés
Orange Côte d’Ivoire s’est vue ainsi infliger une amende de 2,08 milliards de francs CFA (3,2 millions d’euros d’euros) pour la défaillance de son service voix, internet et SMS ; MTN a reçu une amende de 1,73 milliards francs CFA pour son service d’appels clients défaillants et 1,15 milliard de francs CFA pour MooV. Ces séries de sanctions relèvent des prérogatives du régulateur ivoirien l’ARTCI et permet d’assurer une mission régulière prévue par la loi visant à protéger les consommateurs. Il faut préciser que ces amendes sont exécutoires et les opérateurs ont 90 jours ouvrables pour régler la facture sous peine d’astreinte journalière en cas de retard.
En Guinée, les consommateurs sont désarmés, abandonnés à eux-mêmes, subissant toutes sortes de préjudices des opérateurs de téléphonie dans l’indifférence totale des structures de régulation. Si les opérateurs de téléphonie devraient être menacés, c’est pour toutes ces raisons là, pas pour une grève syndicale…Bref, il faudrait que chacune des parties prenantes sache et joue son rôle et comme on dit, si chacun faisait son boulot tout irait mieux dans le meilleur des mondes.
Mamadou Aliou DIALLO pour GCO
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