Samedi 17 avril 2004, je suis pour la première fois, à Addis Abeba, l’immense capitale éthiopienne dont le patronyme signifie en amharique, « la nouvelle fleur ». Par quel miracle, je ne sais, Adam Thiam, le frangin d’un de mes amis journalistes défunts, est informé de ma présence. Il vient me saluer à Lali Bella, mon hôtel. J’y suis sensible, la tradition africaine du droit d’aînesse est respectée. Emotions.
Souvenirs… Nous évoquons ensemble l’immense talent de son frère disparu, mon ami Thierno Ahmet Thiam de l’Office de Radio Télévision du Mali (ORTM), un écrivain du quotidien, doublé d’un poète à la plume généreuse. J’ai une larme nostalgique. Flashback sur nos couvertures journalistiques d’événements artistiques, comme les festivals guinéens et les biennales maliennes des années 70-80. Ambiance de fête inénarrable. Lui était encore tout jeune, tout à ses études. Réminiscences.
Revenant au présent, il m’informe qu’il est désormais, l’attaché de presse du président de l’Union Africaine, M Alpha Oumar Konaré, l’ex chef d’état malien. Je le félicite et lui donne quelques conseils de grand frère, dans le métier de la communication. Il comprend, tout en discutant avec son esprit de cartésien africain. Puis il m’invite à l’accompagner au bureau, ou il avait quelques instances à liquider. J’accepte et nous partons pour le siège de l’Union Africaine.
Heureuse surprise. Garée dans le hall, la Mercedes noire de commandement du président Konaré. Thiam me dit : »Ah, tu vois mon boss aussi est là, ici c’est le travail qui commande. » Je souris. Nous prenons l’escalier pour nous rendre à son bureau. Il m’installe et moi je commence à naviguer sur le Net : infos, mails, musique, forum.
Pendant que j’étais plongé dans mon courrier électronique, l’attaché de presse s’était effacé pour rencontrer le président. Je n’avais pas suivi. Encore dans mes lectures, j’entends soudain : »… Mon frère, j’ai parlé de toi au président, il se rappelle t’ avoir rencontré dans l’avion, au cours d’un voyage retour d’Allemagne. »
Vrai. Je lui avais été introduit par l’un de mes confrères journalistes, Djibril Mbodje, alors Directeur du bureau de presse de la présidence malienne, aujourd’hui chargé de communication à l’ambassade du Mali en Ethiope. Quelle mémoire d’éléphant ce président ! Je confirme les faits. Et Adam Thiam de continuer: » je lui ai dit que tu serais honoré de lui serrer la main. Il m’a répondu OK, mais il a ajouté que c’est lui qui viendra vous saluer, dès qu’il se libérera des instances. » Je n’en reviens pas. Il est 12 heures cinq. Attente.
Une heure plus tard, des pas fermes dans le couloir, la porte que l’on pousse, je relève la tête. C’est le président Konaré en personne qui est là. Je me lève. Nous nous saluons.
Je le remercie et lui signifie que j’aurais aimé plutôt me déplacer pour le rencontrer. Il sourit et trouve son geste tout à fait normal. Nous échangeons quelques mots. Puis, je demande à son attaché de presse, d’immortaliser pour moi cet instant par l’image. Dommage, pas d’appareil photo.
Et le président Konaré de chahuter : » Tu vois, c’est un pauvre attaché de presse, il n’a même pas d’appareil photo… Ce sera pour la prochaine fois ! »
Sur ce, le président Konaré nous quitte. Et moi, je le regarde se retirer en toute simplicité. Quelle leçon de modestie ! Je jure désormais d’avoir toujours sur moi un appareil photo. Cependant, je regrette tout simplement d’avoir oublié que mon téléphone avait une fonction photo. J’étais certainement intimidé par cette forte personnalité.
Justin MOREL Junior
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