De la Gambie au Burkina Faso en passant par le Mali et la Guinée, la mère du fondateur de l’empire du Mali est encore considérée comme un modèle pour la société.
Sunjata, le fondateur de l’empire du Mali au XIIIe siècle – ou Son Jata -, c’est Sogolon Jata : Jata, le fils de Sogolon. C’est en référence à sa mère que l’épopée mandingue telle que la racontent les griots malinkés, ces gardiens de la mémoire, rapporte le récit de la fondation de cet empire. Sogolon, la mère du héros, y joue un rôle fondamental. Et quelle mère que cette Sogolon Conté, dite aussi Sogolon Kedjou
Elle a été choisie par deux chasseurs comme prix de leur exploit parmi toutes les beautés du pays de Do. Le père du Sunjata devra jouer de ruse et de menace pour la posséder. Les devins ne lui avaient-ils pas annoncé qu’elle donnerait naissance à un fils extraordinaire ? « L’homme, le vrai, ne peut naître à l’insu de sa mère. L’enfant tient de son père sa généalogie, mais acquiert la baraka grâce à sa mère », explique le griot Wa Kamissoko dans La Grande Geste du Mali (Karthala-Arsan, 1988).
« Tant vaut la mère, tant vaut l’enfant »
Dans cette société polygame, Sogolon est l’archétype de la femme idéale, soumise et dévouée à son mari, respectueuse de Sasuma Bérété, la première épouse. Elle veille avec amour sur son fils, qui ne marche pas, et dont se moque sa rivale qui l’appelle Son Jata, Jata le voleur. Ce sera pour venger l’honneur de sa mère, humiliée par cette co-épouse, que Sunjata se décide finalement à marcher. Il faut dire que celle-ci sait trouver les mots pour piquer à vif l’orgueil de son fils : « Si tu étais un tas d’ordures, au moins les margouillats pourraient chier sur toi. J’aurais dû te passer par le trou des toilettes », lui lance-t-elle un jour dépitée, racontent les griots de Kéla. Sunjata se lève alors, et son destin peut s’accomplir. C’est Sogolon encore qui l’entraîne vers l’exil pour qu’il échappe au sort funeste que lui préparaient son demi-frère et sa mère. Et quand vient enfin le moment pour lui de rentrer au pays pour bâtir un empire, Sogolon s’efface pour lui permettre d’aller sauver son peuple.
Par cette mort opportune, elle le libère d’une charge et lui permet d’assumer sa destinée. Bèèe b’i ba bolo disent les Malinkés : « tant vaut la mère, tant vaut l’enfant ». Et c’est en référence à la mère qu’ils définissent la société idéale. Badenya signifie tout autant « les enfants de la même mère » que « l’entente, l’harmonie ». Sogolon est encore aujourd’hui le modèle d’une société qui, de la Gambie au Burkina Faso en passant par le Mali et la Guinée, voit en elle la femme idéale. « Derrière chaque grand homme se cache une femme », écrivait le poète Gabriel-Marie Legouvé (1764-1812). Oui, répondent les Malinkés : sa mère !
Par Francis Simonis
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