Il se trouve que de nombreuses personnes partagent les mêmes souvenirs erronés. Ce phénomène se produit pour bien d’autres personnages, logos et citations. Par exemple, on pense souvent que Pikachu, le célèbre Pokémon, a le bout de la queue noir, alors que ce n’est pas le cas. Et beaucoup de gens sont convaincus que le logo de la marque de vêtements Fruit of the Loom comprend une corne d’abondance – alors que non.
Les gens ont tendance à être perplexes lorsqu’ils apprennent qu’ils partagent les mêmes faux souvenirs avec d’autres personnes. Cela s’explique en partie par le fait qu’ils supposent que ce dont ils se souviennent et ce qu’ils oublient devrait être entièrement subjectif et basé sur leurs propres expériences personnelles.
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Or, nos recherches montrent que les gens ont tendance à se souvenir et à oublier les mêmes images les uns que les autres, quelle que soit la diversité de leurs expériences individuelles. Récemment, nous avons montré que ces similitudes dans nos souvenirs s’étendent même à nos faux souvenirs.
Nous avons nommé ce phénomène de faux souvenirs partagés pour certaines images « l’effet Mandela visuel ».
Qu’est-ce que l’effet Mandela ?
L’expression « effet Mandela » a été inventé par Fiona Broome, une « chercheuse en paranormal » qui se décrit elle-même comme telle, pour décrire son faux souvenir de l’ancien président sud-africain Nelson Mandela qu’elle croyait mort en prison dans les années 1980. Elle s’est rendue compte que de nombreuses autres personnes partageaient ce même faux souvenir et a écrit un article à ce propos sur son site web. Le concept de faux souvenirs partagés s’est alors répandu en ligne sur les forums et sur certains sites, comme Reddit.
Depuis lors, des exemples de l’effet Mandela ont été largement partagés sur Internet. Par exemple, beaucoup de gens croient que C-3PO, dans Star Wars, a les deux jambes en dorées alors qu’il a une jambe dorée et une jambe argentée.
L’effet Mandela est fréquemment utilisé par les conspirationnistes – les faux souvenirs sont si forts et si spécifiques que certaines personnes y voient la preuve d’une dimension alternative.
C’est pour cette raison que la recherche scientifique n’a étudié l’effet Mandela que comme un exemple de la façon dont les théories du complot se répandent sur Internet. Il y a eu très peu de recherches sur l’effet Mandela en tant que phénomène lié au fonctionnement de la mémoire.
Mais comprendre pourquoi certains logos ou icônes culturelles déclenchent de faux souvenirs si spécifiques pourrait nous permettre de mieux comprendre comment se forment les faux souvenirs. L’effet Mandela visuel, qui affecte spécifiquement les images, est un moyen parfait d’étudier ce phénomène.
Un phénomène robuste de fausse mémoire
Pour vérifier si l’effet visuel Mandela existe réellement, nous avons mené une expérience dans laquelle nous avons présenté à des personnes trois versions de la même image. L’une était correcte et les deux autres étaient modifiées, et nous leur avons demandé de sélectionner la version correcte. Il y avait 40 ensembles d’images, dont le C-3PO de la franchise Star Wars, le logo Fruit of the Loom et le bonhomme Monopoly.
Les résultats, qui ont été publiés dans la revue Psychological Sciences, montrent que les participants ont obtenu de très mauvais résultats pour sept d’entre elles, ne choisissant la bonne image qu’environ ou moins de 33 % du temps. Pour ces sept images, les gens identifiaient systématiquement la même version incorrecte, ne choisissant pas au hasard l’une des deux versions incorrectes. En outre, les participants ont déclaré être très confiants dans leurs choix et avoir une grande familiarité avec ces icônes malgré leurs erreurs.
Tout cela constitue une preuve évidente du phénomène dont les internautes parlent depuis des années : l’effet Mandela visuel est une erreur de mémoire réelle et cohérente.
Nous avons constaté que cet effet de faux souvenirs était incroyablement fort, et ce même si l’on applique différents protocoles pour tester la mémoire. Même lorsqu’on montrait la version correcte de l’image aux participants, ils choisissaient toujours la « mauvaise » version quelques minutes plus tard.
Et lorsqu’on leur demandait de dessiner librement les images en faisant appel à leur mémoire, ils incluaient encore ces mêmes caractéristiques incorrectes.
Pas de cause universelle
Quelle est la cause de cette fausse mémoire partagée pour des images spécifiques ?
Nous avons constaté que les caractéristiques visuelles telles que la couleur et la luminosité ne pouvaient pas expliquer cet effet. Nous avons également suivi les mouvements de la souris des participants pendant qu’ils regardaient les images sur un écran d’ordinateur pour voir s’ils n’avaient tout simplement pas balayé une partie particulière, comme la queue de Pikachu. Mais même lorsque les gens voyaient directement la partie correcte de l’image, ils choisissaient toujours la fausse version immédiatement après. Nous avons également constaté que pour la plupart des icônes, il était peu probable que les personnes aient vu la fausse version au préalable et qu’elles se souviennent simplement de cette version, plutôt que de la version correcte.
Il se peut qu’il n’y ait pas de cause universelle unique à ces erreurs. Des images différentes peuvent susciter l’effet visuel Mandela pour différentes raisons. Certaines pourraient être liées à des attentes préalables à l’égard d’une image, d’autres à une expérience visuelle antérieure avec une image et d’autres encore à quelque chose de totalement différent des images elles-mêmes. Par exemple, nous avons constaté que, dans la plupart des cas, les gens ne voient que le haut du corps de C-3PO dans les médias. Le souvenir erroné de la jambe dorée pourrait être le résultat de l’utilisation de connaissances antérieures – les corps sont généralement d’une seule couleur – pour combler cette lacune.
Mais le fait que nous puissions démontrer des constantes dans les faux souvenirs pour certaines icônes suggère qu’une partie de ce qui motive les faux souvenirs dépend de notre environnement – et est indépendant de nos expériences subjectives du monde.