Merci au Président de la CAF pour nous avoir épargné la honte.
POURQUOI LA GUINÉE NE PEUT PAS ORGANISER LA CAN EN 2025 ?
Voici les éléments de réponse que j’ai donnés il y a un mois, plus précisément le 4 septembre 2022. Ça m’a valu des répliques véhémentes, voire désobligeantes, de certaines personnes …
Lisez. Vous comprendrez mieux.
《 Hier, j’ai posé la question de savoir si la Guinée pouvait organiser la CAN 2025 avec 24 pays participants.
Vous avez été nombreux à réagir.
Je vous en remercie.
J’avais promis de donner ma part de réponse le lendemain.
Voici donc ce que je crois sur la capacité ou non de notre pays à organiser la CAN en 2025.
Ma réponse viendra à la suite d’un bref état des lieux, suivi des réalités liées à l’organisation infrastructurelle d’une CAN à 24 participants.
Il faut saluer la volonté populaire d’accueillir ce grand événement du continent.
Il faut saluer aussi la volonté politique exprimée par le Gouvernement de la Transition pour la réalisation du projet.
Venons-en à l’analyse sans passion ni démagogie.
A. ÉTAT DES LIEUX.
Ouvrons nos yeux et nos esprits.
A.1. L’INEXPÉRIENCE DE LA GUINÉE DANS L’ORGANISATION DES GRANDS ÉVÉNEMENTS CONTINENTAUX.
Depuis son indépendance, la Guinée n’a jamais organisé les grands évènements du continent : les sommets de l’OUA, les Jeux africains ou la CAN, même des catégories inférieures.
En la matière, nous avons un déficit qui nous oblige à être patients et prudents.
A.2. L’ETAT INFRASTRUCTUREL DE NOTRE PAYS.
En Guinée, tout est à construire pour les grands événements, si nous voulons inviter toute l’Afrique et les médias du monde sportif, sans être la risée du continent.
a) dans nos villes, force est de reconnaître que :
– nous n’avons pas d’aéroports,
– nous n’avons pas d’infrastructures urbaines dignes (lotissement et voiries, électricité et adductions d’eau,..),
– nous n’avons pas d’hôtels 4 étoiles ou 3 étoiles,
– nous n’avons pas de réceptifs touristiques,…
b) À Conakry, nous avons fait beaucoup d’efforts en matière d’hôtellerie. Mais, le nombre reste insuffisant.
– L’état des routes et la mobilité urbaine constituent un casse-tête depuis plus de 30 ans.
– Conakry a un déficit total dans le transport des passagers par voie routière, ferroviaire et maritime.
A-c) Les routes et le transport inter-préfectures sont à l’état artisanal depuis des lustres.
Ces insuffisances qui sont assez nombreuses, constituent un sérieux obstacle.
Nous aurions dû nous mettre à l’œuvre depuis 2014, année de notre candidature.
A.3. LE POTENTIEL BUDGÉTAIRE LIMITÉ.
La lecture des agrégats de notre économie nous interdit certaines dépenses grandioses qui n’ont pas un impact direct, rémunérateur et perein sur les activités économiques.
Comparé à certains pays, notre capacité de mobilisation des recettes budgétaires est limitée, très limitée.
Sur le court terme, en plus des dépenses de fonctionnement, l’Etat doit :
a) se soucier du financement des grands chantiers en cours, qui souffrent souvent du retard de paiement par le budget national.
b) se soucier du financement des élections à venir, pour parachever la Transition de manière élégante et exemplaire.
À titre de rappel, le financement des seules élections législatives de 2015 a coûté plus 550 milliards GNF au budget national.
Que dire du financement des élections présidentielles et communales ?
L’Etat a donc des contraintes légales plus urgentes et prioritaires.
A.4. LE RÉGIME POLITIQUE ACTUEL ET LE CLIMAT SÉCURITAIRE.
a) Notre pays vit un régime d’exception : Une Transition militaire.
Depuis la conférence de la Baule, il est rare que les partenaires bilatéraux et multilatéraux s’engagent à financer des projets d’envergure sous un régime de Transition militaire.
Généralement, ils peuvent continuer à financer les projets pour lesquels ils s’étaient engagés avant le renversement du régime légal, en vue de l’achèvement des projets.
C’est la même attitude pour la communauté des institutions financières internationales et les grandes banques étrangères.
Au Cameroun et en Côte d’Ivoire, les financements ont été obtenus auprès des grandes banques et entreprises étrangères : anglaises, italiennes, chinoises, françaises,…
b) le climat sécuritaire de notre pays ne rassure pas depuis une dizaine d’années que dure l’instabilité sociale et politique : grèves, marches dites pacifiques, villes mortes, affrontements, destructions des biens, tueries et repressions…
Autant d’incivilités qui décrédibilisent notre pays et lui font éloigner les investisseurs sérieux et de grande envergure.
Les mêmes démons reviennent peu à peu sous la Transition.
Ces facteurs ne peuvent pas rassurer.
Ayons à l’esprit que chacun de ces points est une insuffisance.
B. LES CONTRAINTES LIÉES À L’ORGANISATION D’UNE CAN.
La Guinée est une nation hospitalière.
Sociologiquement, le Guinéen aime ouvrir son cœur et les portes de sa maison à ses hôtes.
C’est un fait connu de tous.
Pour le panafricaniste qu’il est, sa fierté serait d’accueillir sur son sol les sommets de l’UA, les Jeux africains et de la francophonie, ainsi que la CAN.
Mais, en a-t-il les moyens ?
Connaît-il les contraintes financières et organisationnelles ?
Je me permets de faire une esquisse des exigences qui sont des conditions sine qua non.
a) RAPPEL SUR LES INFRASTRUCTURES ABSOLUMENT NÉCESSAIRES POUR ORGANISER UNE CAN.
a.1) Existence au minimum de 6 stades homologués, allant de 20 000 à 60 000 places assises.
À ce jour, nous n’avons qu’un seul stade homologuable ; celui de Nongo.
a.2) Existence d’infrastructures aéroportuaires homologués par l’organisation de l’aviation civile internationale : nous n’avons pas un seul aéroport homologué en province.
a.3) Existence d’hôtels de 4 et 5 Étoiles dans les villes d’accueil. Nous n’en avons nulle part dans nos villes de province.
a.4) Existences d’autres infrastructures annexes liées au cadre de vie : hôpitaux équipés, voiries urbaines, logements decents, électricité et eau, sécurité publique, distractions,…
Nous n’en disposons presque pas dans nos villes.
Même la capitale Conakry a des insuffisances notoires en la matière.
Ces exigences ont des coûts faramineux.
b) LES COÛTS APPROXIMATIFS DES INVESTISSEMENTS POUR UNE CAN.
Pour être concret, je prends les coûts de construction des stades pour la dernière CAN au Cameroun.
Selon Jeune-Afrique, dans une publication du 4 février 2020 et d’autres sources concordantes plus récentes :
1) la rénovation du stade de la Réunification de Yaoundé a coûté 97 millions d’euros, soit environ 880 milliards GNF.
2) La construction du stade de Japoma pour 50 000 places a coûté 130 millions d’euros, soit environ 1 250 milliards GNF.
3) L’organisation de la CAN 2021 a globalement coûté au Cameroun plus de 700 millions d’euros, soit environ 6 500 milliards GNF.
4) Les travaux qui ont commencé au Cameroun en 2014 et 2015, n’ont pu être achevés en 2019, date initiale de l’organisation de la CAN.
Malgré le report pour 2021, les travaux n’étaient pas encore prêts.
C’est seulement à la veille de la CAN début 2022 que les travaux ont été achevés, soit une durée de 6 ans.
Pourtant, le Cameroun est en avance sur la Guinée dans tous les domaines de la vie sportive, économique et financière.
Il est plus côté que la Guinée à l’international.
En plus, il est à sa 2ème CAN.
c) LES ETUDES ET LA RECHERCHE DE FINANCEMENTS.
L’organisation de la CAN est un programme qui comporte un ensemble de projets à intégrer.
Cela nécessite plusieurs expertises de plusieurs spécialités.
Pour des études sérieuses, les vrais spécialistes ont besoin d’un temps sur le terrain.
C’est à la suite de ces études sur le terrain et dans les cabinets que la recherche du financement pourrait être lancée.
Là aussi auprès des banques étrangères et des entreprises de grandes réputations ayant leurs propres créneaux de financement.
L’Etat guinéen devra se faire assister par de grands cabinets internationaux de contrôle et de conseils, ppur la qualité des ouvrages et pour ne pas tomber dans des pièges qui conduiront à des contentieux interminables devant les juridictions internationales.
d) LA DURÉE DES TRAVAUX.
C’est possible de construire un stade communal en 6 mois.
Mais, ce n’est pas possible de construire un stade olympique en moins de 2 ans.
Ce n’est pas possible non plus de construire un hôtel 4 ou 5 Étoiles en hauteur, à moins de 20 mois.
Je ne parle pas des autres infrastructures.
La CAN 2025 se déroulera au 1er semestre.
C’est dire que nous sommes à 26 mois de l’échéance.
À MOINS QUE L’ETAT CHINOIS FINANCE LES TRAVAUX ET LES FAIT RÉALISER PAR LES ENTREPRISES CHINOISES, NOTRE PAYS NE POURRA PAS ORGANISER LA CAN EN 2025.
PUISSE QUE NOUS AVONS LA VOLONTÉ POLITIQUE, IL SERAIT CONSEILLÉ DE DEMANDER À LA CAF, DE POSITIONNER LA GUINÉE POUR LA CAN 2029.
Nous avons manqué une grande opportunité qui aurait pu permettre de commencer les travaux, de bâtir notre pays et de pouvoir organiser tous les grands événements.
En effet, en 2015-2016, le régime défunt nous a fait rêver un certain projet de développement portant sur 20 miiliards de dollars à financer par la Chine, en échange de la production d’une partie de notre bauxite.
Comme l’annonce de la construction du Chemin de fer Conakry-Bamako, nos anciens dirigeants n’ont plus parlé des 20 milliards de dollars annoncés avec fanfare.
C’était notre seul moyen d’organiser une CAN historique.
POUR TERMINER, JE SUGGÈRE À NOS AUTORITÉS DE RENONCER À L’ORGANISATION DE TOUTE CAN AVANT 2028 POUR NOUS ÉVITER LA HONTE.
Consacrons nos maigres ressources à construire les écoles, les routes, à financer l’agriculture, l’industrie et les PME.
Les Businessman de la CAN 2025 dont certains veulent se faire les poches doivent penser à l’honneur de notre pays.
Il y en a qui ont commencé à s’agiter comme les mouches autour d’une viande pourrie ; rien que pour l’argent à se remplir les poches.
Si nous nous entêtons, la Guinée sera la risée de l’Afrique et du monde.
Nous avons assez de projets et assez de chantiers inachevés.
N’en rajoutons pas.
Cessons de tromper nos dirigeants !
Disons-leur la vérité !
Epargnons ce pays de la honte !
NON À LA CAN 2025 !
CE N’EST PAS POSSIBLE.
OUI À LA CAN 2029 !
C’EST CE QUE JE CROIS.》
Ibrahima Jair KEITA