A la faveur d’un stage inter bancaire organisé à Dakar au mois de juin 2007, j’ai eu l’opportunité de suivre le décès et les obsèques de Sembène Ousmane. Ce qui m’a permis de réaliser l’interview d’une grande actrice de cinéma malienne, qui séjourna avec la délégation malienne à l’hôtel Nina de Dakar. Retour donc sur la vie de cet éminent cinéaste et écrivain.
Né en janvier 1923, Ousmane Sembene est l’une des personnalités qui ont le plus marqué l’évolution du cinéma africain. Avant sa mort survenue aujourd’hui le 9 juin 2007, le cinéaste-écrivain avait à son actif des dizaines de films de thèmes aussi importants que variés. Ces productions qui tournent notamment autour des thématiques sociales, politiques, et surtout culturelles et religieuses ont connu des succès éclatant et remporté beaucoup de distinctions.
Décédé à Dakar à l’âge de 84 ans, le « père du cinéma africain » aura marqué l’industrie cinématographique de son vivant. Pourtant, rien ou presque ne le prédestinait à une telle profession. Enfant lébou, Ousmane Sembène ne fréquente l’école française que pour un court instant. Il fait l’objet de plusieurs renvois et ou exclusions en Casamance où il a fait ses premières humanités à l’école Escale tout comme à Dakar. On raconte d’ailleurs que son renvoi, alors qu’il préparait le certificat d’études à Dakar, s’explique par le fait que Ousmane Sembène avait tenu tête au directeur de son école Pierre Péraldi qui voulut leur apprendre le corse.
Lorsqu’il s’est lancé dans la culture après le service militaire dans les années 1940, l’écrivain a fait montre d’un engagement et d’un talent qui ne souffrent d’aucune contestation. Son premier roman, Le Docker noir, publié en 1956, et qui retrace une partie de sa vie, rencontre la satisfaction d’un lectorat pourtant très exigeant. A partir de ce moment, les productions se multiplient pour celui qui donne tout l’air d’un autodidacte. Parmi ses chefs-d’œuvre, on peut citer notamment : Ô pays, mon beau peuple (1957), et Les Bouts de bois de Dieu (1960) qui racontent la grève des cheminots de 1947. Même si son talent d’écrivain est reconnu de tous, c’est surtout son incursion dans le monde du cinéma qui donnera à Sembène le renom qu’il a aujourd’hui.
Désireux de se lancer dans le cinéma, Ousmane Sembène va se donner les moyens d’en découvrir les contours à travers une formation à Moscou dès 1961. C’est à partir de ce moment que la production cinématographique africaine va être boostée alors que la plupart des pays du continent venaient juste de gagner leur indépendance. De son film Borom Saret produit en 1962 au dernier Moolaade (2003), le père du cinéma africain s’est intéressé, pendant presque 50 ans, à tous les thèmes qui constituent les préoccupations quotidiennes des peuples africains. Il passe en revue, sans aucun tabou, tous les problèmes d’ordre social, économique, culturel et religieux comme en témoigne le film Ceddo produit en 1979. D’ailleurs ce film sera censuré par le président Senghor qui lui reproche d’avoir mal orthographié le mot « ceddo » qui selon lui devrait s’écrire avec un seul « d ». Même son film Camp de Thiaroye retraçant et dénonçant le massacre des tirailleurs le 1er décembre 1944 sera interdit de vente en France.
Jusqu’à sa mort, le 9 juin 2007, Ousmane Sembène servira de guide aux jeunes réalisateurs. Celui dont toutes productions s’apparentent à des chefs-d’œuvre montre une disponibilité et une générosité sans failles à l’endroit de ses confrères producteurs notamment pour la promotion du Fespaco où il a joué un rôle majeur. Sembène a eu à remporter plusieurs distinctions dont le Prix de la critique internationale au Festival de Venise avec son film à thématique sociale Le Mandat (1968) et le prix spécial du jury au même festival en 1988 avec Camp de Thiaroye. Après une vie bien remplie, Ousmane Sembène décède à l’âge de 84 ans et est enterré au cimetière musulman de Yoff.
Thierno Saidou DIAKITE pour GCO