Dans l’attente du temps de la justice, de la réparation et du démantèlement total de ce système oppressif et d’appauvrissement institutionnalisé des Guinéens,  que fut le regime, le colonel Mamady Doumbouya qui a libéré et redonné de l’espoir aux Guinéens, doit vite agir sur un certain nombre de leviers susceptibles d’améliorer les conditions de vie des Guinéens.

La nomination d’un technocrate chevronné comme premier ministre, chef du gouvernement de la transition, en la personne de Mohamed Béavogui, traduit cette volonté affirmée du président de la junte de rebâtir une Guinée nouvelle. Celle du mérite, du pragmatisme, de la liberté, de l’égalité, de l’inclusion, du rassemblement pour le développement dans laquelle la « justice sera la seule boussole » pour paraphraser cette déclaration désormais célèbre du leader charismatique et révolutionnaire du 5 septembre 2021, libérateur des opprimés et alliés inconditionnels des plus faibles.

L’avènement du Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) a suscité un immense espoir. Cependant, le temps de l’enthousiasme révolutionnaire ou « l’état de grâce » est une chose, la vie pratique des Guinéens de tous les jours, martyrisés par 11 ans de mal-gouvernance, de division, de tueries et d’exclusion en est une autre. Mohamed Béavogui qui, déjà a pris ses marques et qui sans complaisance affirme que « la Guinée se fera avec tous les Guinéens ou elle ne se fera pas », envoie un signal fort aux esprits grippés par le tribalisme, le régionalisme et par l’antagonisme ethnique, entretenus et instrumentalisés à dessein par des politiciens d’un autre genre, incompétents, opportunistes et arrivistes de la dernière heure, qui, en temps normal, avec une implication forte d’une « élite engagée » n’auraient pas la voix au chapitre.

Lorsque le premier ministre aura mis en place son gouvernement, en accord avec le président de la transition, Mohamed Béavogui devra immédiatement en plus de la feuille de route et du plan d’action de son gouvernement, penser à peaufiner « un plan Marshal » pour l’amélioration substantielle des conditions de vie des Guinéens, avec pour principal rôle, de révoquer toutes les décisions prises par le régime déchu qui concourent à la dégradation accentuée des conditions de vie des Guinéens. Le ton a déjà été donné avec les premières décisions majeures prises par le colonel Mamady Doumbaya, comme l’annulation du prélèvement des 5 % sur le salaire des fonctionnaires et la réduction du prix du carburant à la pompe.

La transversalité avec au bout un impact global, il faudra agir par secteur pour avoir un impact direct sur la vie des Guinéens. En intervenant département ministériel par département ministériel, prenant en compte le fait que les Guinéens s’enfoncent de jour en jour dans la précarité.

Les difficultés quotidiennes de la majorité de Guinéens

De plus en plus de Guinéens ont du mal :

A manger trois  fois par jour : parce qu’ils n’ont pas un travail décent leur permettant de se nourrir correctement.

A se loger : à cause de la non règlementation du secteur immobilier où les propriétaires, souvent des commis de l’État ou des commerçants véreux, fixent les prix du loyer en fonction de leurs humeurs.

A se déplacer : à cause de la défaillance du système des transports en commun, qui est une spécificité particulièrement guinéenne, avec un déficit exponentiel de bus de transport et des voies de transports notamment à Conakry, où la population a explosé ces dernières années.

A communiquer : parce que les sociétés de téléphonie évoluent pratiquement dans un cadre « anarchique » puisque visiblement ils n’ont de compte à rendre à personne. Notamment, sur la défaillance de leurs services réseau et internet qui font perdre à leurs abonnés des milliards par an, et qui en temps normal équivaut à de fortes amandes du régulateur et des dédommagements. Sans parler de l’explosion des coûts tarifaires GSM et internet tout simplement parce que l’autorité de régulation des postes et télécommunications (ARPT) est plus préoccupée à réclamer des redevances payées à moitié et qui ne servent qu’à enrichir des particuliers. Abandonnant son rôle régalien et les abonnés à la merci des multinationales qui sucent les Guinéens jusqu’aux os.

A S’éduquer : parce que l’État s’est désengagé d’un secteur hautement stratégique pour l’avenir de toute nation, au profit d’un libéralisme mercantile qui a fait des ravages et a fini de disqualifier complètement le secteur éducatif guinéen autrefois une fierté africaine. L’éducation nationale est aujourd’hui un business en Guinée, au même titre que le commerce. Avec toutes les richesses que la Guinée puise de son sous-sol, l’éducation maternelle et primaire devraient être gratuites en Guinée. Il faut que l’État reprenne en main progressivement le contrôle sur l’éducation nationale et ne délègue qu’une infime partie de ce secteur aux privées dans le cadre de partenariats public-privé. La reprise en main de l’enseignement supérieur par l’État est un grand pas. Les États généraux de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur s’imposent pour procéder à des réformes structurants, innovantes et de modernisation.

A se soigner : à l’image de l’éducation, la santé est un autre secteur miné par le libéralisme incontrôlé. Non seulement, les Guinéens ont du mal à accéder à des soins de santé de qualité parce que l’État n’investit pas suffisamment pour la construction des infrastructures, la formation et dans l’équipement des structures sanitaires, misant sur les dons des partenaires techniques et financiers, le secteur de la santé est devenu un véritable business, sans aucune éthique ni déontologie. Des cliniques privées qui s’apparentent à de véritables mouroirs pullulent à travers tout le pays. La reprise en main de ce secteur pour permettre aux Guinéens de se soigner dignement, efficacement et à moindre frais est plus que nécessaire.

A bénéficier d’un véritable pouvoir d’achat et de sa protection : le CNRD doit prendre à bras le corps le phénomène du monopole et de l’autorégulation anarchique du secteur du commerce en Guinée, en sifflant la fin de la recréation. Le monopole entretient la dictature commerciale, l’absence de concurrence favorisant une dictature des prix et sèvrent les populations de leurs droits à choisir les produits ou services qui leur conviennent (commerce, téléphonie, etc…).

Cette situation est aggravée par un phénomène surréaliste digne de la Guinée ou les prix sont fixés délibérément, et unilatéralement de manière fantaisistes par les commerçants. Des prix très souvent qui ne correspondent pas du tout aux contraintes liées au dédouanement. Ce phénomène s’est tellement répandu que même les vendeurs des beignets aux bords de la route s’en donnent à cœur joie, en invoquant systématiquement le taux de change ou le coût du transport. Ouvrant la voie et ce, depuis des années à une anarchie totale. Pire les guinéens, semblent ignorer royalement le principe basique de la flexibilité des prix. L’exemple le plus illustratif est l’épisode de l’augmentation du prix du carburant par le gouvernement  Conde qui ne tenait aucunement compte du principe de flexibilité du prix du baril. Comme le dit une formule populaire en Guinée « tout ce qui augmente ne baisse jamais ». Des réalités surréalistes qui contribuent à fragiliser la valeur monétaire du pays et anéantir le pouvoir d’achat du Guinéen, dans l’indifférence totale du gouvernement à règlementer le secteur des activités commerciales. Si le CNRD parvenait à mettre un terme à cette pagaille généralisée, cela permettrait de donner un véritable coup de boost au pouvoir d’achat des Guinéens et à le préserver.

A trouver du travail : l’autre paradoxe incroyable de la Guinée, c’est le décalage entre croissance économique et accentuation de la précarité, la paupérisation d’une classe moyenne embryonnaire, voire sa disparition. Avec une économie de rente (catégorie d’économies non diversifiées misant sur la vente des matières premières brutes et considérées par la plupart des spécialistes comme dépassées) qui s’appuie principalement sur l’exportation de la bauxite qui tire la croissance du PIB à hauteur de 35 %, l’impact sur l’amélioration des conditions de vie des Guinéens est pratiquement imperceptible.

Malgré une faible contribution du secteur agricole au PIB de la Guinée de l’ordre de 23 %, l’agriculture emploie près de 52 % de la population active. Aussi incroyable que cela puissent paraitre, malgré la présence de presque toutes les grosses multinationales minières en Guinée, l’agriculture emploie plus que les mines.

Ces chiffres devraient interpeller les nouvelles autorités à remettre de l’ordre dans un secteur qui a alimenté sous le régime déchu d’Alpha Condé les pires scandales de corruptions orchestrés par des multinationales en complicité avec des cadres véreux de l’administration. Ces chiffres incroyables traduisent le fait que les mines guinéennes profitent plus aux étrangers de connivence avec des clans locaux mafieux qu’aux Guinéens, alors que la Guinée est aujourd’hui le deuxième producteur mondial de bauxite.

Pour faire simple, un arrêt de la production guinéenne de bauxite peut provoquer aujourd’hui une crise économique mondiale majeure. Malgré cet Etat de fait, la Guinée est l’un des pays les plus pauvres de la planète avec 44 % de sa population qui vit en dessous du seuil de pauvreté, avec moins d’un euro par jour, ce qui est ahurissant, honteux et inacceptable.

Le CNRD doit dire stop, car les mines guinéennes doivent employer des millions de Guinéens, le contenu local doit être une réalité et non un cheval de Troie ou une farce, la corruption doit cesser au profit des clans mafieux qui gravitent autour des multinationales et le code minier doit être respecté. Les ressources minières de la Guinée doivent servir aux Guinéens à défaut, il faudrait tout stopper et repartir sur de nouvelles bases en créant des entreprises locales à prédominances nationales comme la Compagnie des bauxites de Guinée (CBG), mais avec un leadership guinéen, qui serviront essentiellement les intérêts de la Guinée.

L’agriculture et un secteur minier guinéen rationnel et durable avec leurs chaines de valeur, pour ne citer que ces deux secteurs, doivent être des piliers pour l’emploi des milliers, voire des millions de Guinéens au chômage.

Bref, l’implémentation d’un « plan Marshall » vise à normaliser les secteurs vitaux de l’économie, atténuer le coût de la vie et améliorer les conditions de vie des Guinéens pour amorcer ensuite une véritable refondation structurelle de l’État Guinéen.

 

Mamadou Aliou DIALLO pour GCO

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