Je suis ce débat avec beaucoup de questionnements sur l’histoire, la sociologie et l’anthropologie de la Guinée. Les questions que vous posez méritent probablement de l’être et si des réponses, sans amertume ni animosité ni excès d’émotions et d’affects y étaient apportées, elle contribueraient probablement à décrisper le dialogue national. Les historiens, sociologues et économistes pourraient nous y aider.
Personnellement (mais ce n’est qu’une position personnelle), il me semble beaucoup plus important, voire essentiel, de voir ce que nous avons à capitaliser de notre expérience historique pour défricher, comme nous l’avons souvent fait, les chemins de l’émancipation et du développement national et panafricain.
Confrontés à une crise majeure, dont il y a des causes historiques mais aussi des dimensions nouvelles, nous devons, partant de notre histoire, à la fois douloureuse et exaltante, réfléchir sur des questions qui engagent notre présent et notre avenir : quel État pour quel développement ?
Comment construire une démocratie qui soit à la fois pluraliste, participative et inclusive tout en échappant au formalisme juridique, à l’ethnopolitique et aux nouvelles dictatures des politiques politiciennes ?
Comment promouvoir un libéralisme économique qui de ne débouche pas sur la dépossession des pauvres de leurs ressources et de leur travail, n’aggravent pas les inégalités et ne nous soumettent pas aux fourches caudines de l’ultra-libéralisme dominant aujourd’hui dans les relations internationales ?
Comment amener nos élites à penser développement et non positionnement dans le partage des pouvoirs ? Quelle réforme de l’enseignement et de la recherche pour les adapter aux exigences de la modernité et des humanités ?
Comment valoriser le patrimoine culturel et les traditions sans s’enfermer dans un communautarisme nuisible pour la construction d’une nation une et indivisible ?
Comment élever nos langues nationales au statut de langue d’enseignement, de recherche, de communication. Et d’administration sans pour autant abandonner l’acquis historique que constitue pour nous le français, en les enrichissant au contraire de l’acquisition de l’anglais, de l’arabe, du chinois etc… je suis convaincu que si nous faisions l’effort d’instaurer le débat sur ces questions, que je crois essentielles pour notre présent et notre devenir, alors nous nous rendrons compte combien notre expérience historique commune, douloureuse et exaltante, est précieuse et pertinente.
Et combien le débat sur les hommes, en dépit de tous nos affects et de toutes nos émotions, sont, en fin de compte, relatives et secondaires. J’attends beaucoup de l’intelligence des jeunes. Guinéens, et je regretterai fort qu’elle ne s’étiole dans des débats d’un autre temps.
Par le professeur  Bailo Telivel Diallo
En réponse à un post de Dramane Diawara