Une date, deux décès: le 17 juillet 2017, Kémo Kouyaté succombait des suites d’une longue maladie; le 17 juillet  2019, il y a tout juste un an, Kerfala Kanté répondait à l’appel du Tout Puissant. Il a pris son envol dans les années quatre vingt dix.

Kerfala Kanté a été initié très tôt à la musique traditionnelle mandingue par son père Kemo qui était un parfait balafoniste. Il a donc transmis son goût et son savoir en matière de sonorités et de maîtrise du balafon à son fils qui à 10 ans était déjà un petit maître –balafon très apprécié dans son village natal, Koumandikoura. Il fut initié ans plus tard à la guitare sèche qu’il s’approprie pour créer son propre style. Il devient donc très vite un «ambianceur» pour des cérémonies de mariages, baptêmes et autres retrouvailles familiales et traditionnelles. Il obtint sa consécration avec le titre «Déni Kéléni».

Sa première cassette est sortie en 1991 et fut un énorme succès ! Il enchaînera les hits. Il a été absent pendant 10 ans et a fait son grand retour avec un double album «Merci» et «Djéli Laye» qu’il a présenté lors de deux mégas concerts un le vendredi en 2016.

Chanteur très prolixe, il laisse à la postérité une discographie, qui dénote le sérieux et le soin apporté à l’arrangement des titres.

La maladie aura finalement eu raison de l’artiste touche à tout Kèmo Kouyaté  le 19 juillet 2017. Vu les souffrances endurées, son décès semble être à mes yeux une délivrance. On ne souhaite guère la mort à son prochain, mais dans certaines circonstances, elle soulage le malade soumit à d’insoutenables épreuves. Le sort en ainsi décidé. Musicien hors pair, pour qui aucun instrument n’avait de secret, il émerveille par son talent et sa dextérité.

C’est au sein de l’orchestre national Balla et ses Baladins que Kèmo Kouyaté s’est révélé au public à la guitare medium au côté du virtuose Sékou Diabaté docteur. Le titre Sara 70 est un best-seller où l’on mesure le formidable doigté du regretté Kèmo. Avec le développement technologique, qui a favorisé une notable mutation dans la production musicale, Kèmo Kouyaté s’est rapidement adapté à ces changements. En quête permanente de la maîtrise des instruments à cordes, il fut le tout premier Guinéen à jouer de la cithare. J’ai encore en mémoire son duo avec Salif Keïta sur le petit écran de la télévision nationale, dans les années soixante-dix.

Guidé par cette propension à la perfection, Kèmo passe allègrement de la guitare à la cora ou à la cithare. Et poursuit son aventure musicale au clavier. Avec cet instrument, il réalise des prouesses inimaginables. A lui seul, il anime toute une soirée en programmant et combinant plusieurs instruments sur son clavier, où est en fait intégré un ordinateur. La dernière image que je retiens de lui est celle du mariage de François le fils de JMJ, le 16 février 2015 à Koloma. Avec son clavier, le défunt accompagnait la diva Aïcha Koné. Quel régal et quel spectacle. Mélomane à souhait, j’étais aux anges ce jour-là. Aujourd’hui, je rends grâce à Dieu le Tout Puissant et Miséricordieux de m’avoir permis de prendre part à ce mariage, puisque ce fut la toute dernière prestation de Kèmo Kouyaté en ma présence. Bien après, il tomba malade pour ne plus se relever.

Sa disparition a  laissé un grand vide dans le monde musical guinéen et africain. Kèmo Kouyaté de par son talent appartient à l’univers culturel africain et mondial. Il a accompagné maints artistes africains et internationaux. Avec sa mort, se pose la problématique de la relève de nos instrumentistes. Qu’il s’agisse des cuivres comme Momo Wandel, Kèlètigui Traoré, ou des guitares comme Sékou Diabaté Docteur, ou des chanteurs comme Aboubacar Demba Camara, Diély Fodé et bien d’autres, aucune structure n’existe pour assurer un renouvellement sans heurt des générations. A ce propos, il semble que le défunt souhaitait vivement créer une école de musique pour y transmettre son savoir. C’est donc un projet à reprendre pour honorer sa mémoire et immortaliser son œuvre.

Thierno Saïdou DIAKITE pour GCO

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