En Guinée comme partout ailleurs dans le monde, l’ethnocentrisme se manifeste par le fait de croire que son groupe ethnique est ‘positif » et que les autres groupes ethniques sont « négatifs » parlant bien sûr des valeurs qui fondent l’identité de chaque ethnie.
Cette forte identification qui, parfois, frise avec le narcissisme ne laisse aucune chance à l’appréciation positive des autres cultures, avec lesquelles on partage la même aire géographique. C’est d’ailleurs cette mentalité qui l’emporte chez les Guinéens, au moment où tous les pays prônent l’ouverture vers les autres cultures, afin de s’enrichir dans un monde de plus en plus globalisé.
L’ethnocentrisme est ainsi érigé et entretenu comme une valeur sociale qui consisterait à fédérer les forces d’une communauté et, voiler ses faiblesses. Cette hypocrisie héritée et nourrie par plusieurs années de systèmes politiques ayant pour unique argument l’ethnie, a nourri la génération actuelle. Cette dernière à son tour, par appétit du pouvoir ou du gain facile, se prête à ce jeu de dupes qui ne mène nulle part en matière de construction d’une nation.
Le repli identitaire
En Guinée, depuis un certain temps, on constate un repli identitaire fortement encouragé par la politique et le reflexe qu’ont beaucoup de Guinéens pour s’identifier non pas par leur valeur intrinsèque, mais par leur ethnie, « chez nous les Soussous, chez nous les Peuls, chez eux …etc. ». Ce reflexe consiste à apprécier et considérer comme valeurs positives, seules les réalisations émanant de son groupe ethnique.
En exemple, quand un artiste guinéen fait un album d’avance on connaît son public et son audience. Chez nous les Malinkkés, chez nous les Forestiers, ou vous les tels … sont des expressions qui commencent ou terminent bien souvent malheureusement toutes les conversations.
De surcroît, dans l’administration comme dans le monde du sport également, nous avons des joueurs d’une communauté et non des joueurs d’une équipe nationale, des cadres malinkés, soussous, forestiers,peuls, et non des cadres guinéens. Les uns réclament Sadjo Diallo ou Dian Bobo, parce qu’ils portent le même nom qu’eux et, les autres tiennent à Kaba Diawara ou Naby Keita, ou Paul Pogba ou son frère, parce qu’ils sont de la même communauté, Ismaël bangoura, Pascal Feindouno et tant d’autres sont ainsi étiquetés par ceux qui hypertrophient l’émancipation de toute une nation.
La notion de la nation
On revendique la présence d’un cadre de son ethnie dans un gouvernement dans une république, on tient des réunions de cadres appartenant à la même région. Alors comment semer la concorde, l’entente et la paix avec de telles aberrations de nos soit disant « cadres » ? Les Guinéens qui vivent et alimentent de pareilles conceptions sont ils vraiment informés de l’évolution du monde et de la notion de la nation ?
Ceux qui pensent ainsi, savent – ils qu’il y a des Soussous, des Malinkés, des Landoumas, des Djakankés, des Peuls qui vivent ailleurs, et qui ne comprennent pas leurs propres langues ? (Beaucoup payent des cours parmi eux pour apprendre leurs langues). S’interrogent – ils sur l’influence et les limites de leur ethnie ? Apparemment non ! Le Guinéen peu importe l’ignonimie commise, si elle émane de quelqu’un de son groupe, cela peut paraître acceptable à ses yeux. Une bassesse qui n’est pas de nature à participer à la construction d’une nation solide.
Ses propres valeurs comme la référence
L’autre fameux groupe est celui qui se fait une projection sur les autres ethnies, en considérant ses propres valeurs comme des valeurs de référence. Ainsi, il fait un jugement dépréciatif des valeurs de l’autre, en se donnant le monopole de la norme et de l’esthétique et même… de l’éthique ! En exemple, certains se disent être les seuls habilités à diriger et, d’autres se donnent le monopole de la connaissance et de la richesse comme si le pouvoir, la connaissance et la richesse étaient des legs ancestraux.
Ces façon de penser sont contradictoires à l’idée de la diversité culturelle que prônent toutes les nations qui se veulent paisibles et au diapason de la mondialisation. Il ne faut pas prétendre que tout doit être conforme ou ressembler à sa culture, il faut apprendre à accepter ce que l’autre aussi, dans sa conception culturelle, juge beau.
En Guinée Forestière, on donne un gobelet d’eau à l’étranger pour lui souhaiter la bienvenue. Cette attitude est plus que normal ! Quiconque fait une dizaine de pas pour te rendre visite, mérite naturellement une gorgée d’eau, même si c’est par honneur tout simplement. Alors que les autres groupes en fassent une valeur guinéenne en faisant de même…
Au Fouta chaque père a pour souci de marier son garçon une fois la maturité atteinte, parce que cela l’obligerait à être responsable… que les autres groupes ethniques s’approprient de cette valeur. Les Soussous sont hospitaliers et généreux qu’il en soit ainsi avec les autres communautés. Les Malinkés ont un sens élevé de leur culture et de leur dignité, que ces sentiments soient étendus à tous. Que le pouvoir qui semble actuellement les diviser, soit aussi simplement partagé pour le développement de la nation. En refusant, pour les uns et les autres de s’enfermer dans des clichés destructeurs.
Aimer les autres avec leurs différences
Nous sommes tous unanimes que c’est la politique qui divise les Guinéens aujourd’hui, mais pour ma part, je m’inscris en faux face à cette approche trop facile. Pour moi, c’est plutôt l’appétit du gain facile qui encourage cette triste réalité, car on ne gobe pas les mensonges des politiciens parce qu’ils sont politiciens ! On les supporte parce qu’ils font des gestes sonnants et trébuchants en contrepartie.
C’est donc cette facilité des guinéen à supporter le mensonge pour le profit, à la place de la vérité et de la dignité qui donne place aux politiciens, qui excellent dans leurs stratégies d’achat de consciences.
Aimer son ethnie et son pays c’est aussi aimer les autres dans leurs différences, constitue la diversité qui est en fait la culture guinéenne.
Aliou BAH / Littérateur et Conseiller municipal/ CU – Fria
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