La diplomatie soviétique, menée par Leonid Breijnev, a eu raison de l’Amérique post-Kennedy. C’est l’interprétation géopolitique que je donne à la proclamation de la VOIE DE DÉVELOPPEMENT NON CAPITALISTE faite par le régime guinéen.
1964, l’Etat guinéen a six ans d’existence.
Le nouvel État aura consacré 6 années pour définir le type de régime ou de voie de développement qui lui sied.
Le contexte de l’obtention de son indépendance et ses rapports avec l’ancienne puissance colonisatrice obligent une méfiance totale.
En effet, le discours du 25 août 1958, matérialisé par le vote massif pour le NON en septembre, a marqué une rupture complète avec la France du Général De Gaulle.
La création de la monnaie nationale et le sabotage de celle-ci, le sabotage de l’économie et de l’administration, les tentatives de renversement du régime ont été des réalités qui ont compromis l’avenir des relations franco-guinéennes, à un moment où le libéralisme économique est entré dans les meurs des Guinéens après 60 années de colonisation.
Ces réalités conflictuelles ont impacté l’orientation du régime politique du jeune État.
La France étant hermétiquement fermée à tout rapprochement avec la Guinée, le pouvoir de Conakry s’est ouvert au reste du monde pour marquer sa souveraineté internationale et se trouver des alliés sûrs pour son développement et sa « protection ».
À ce moment, le régime de Sékou Touré balottait entre entre les États-Unis de Kennedy et le monde socialiste. D’un côté l’ami John Kennedy qui lui vouait une réelle admiration et l’autre, le monde socialiste, pour un homme moulé à l’idéologie communiste par le Cercle d’études communistes animés par les syndicalistes de la CGT de France.
Entre les deux blocs, Kennedy avait pris une longueur d’avance qui sera stoppée par son assassinat en 1963. L’amitié de Kennedy avec Sékou Touré et les nombreuses aides en faveur de la Guinée avaient deux objectifs : éviter que le pays tombe dans l’escarcelle du monde communiste et frustrer le Général De Gaulle qui n’était pas très ami aux dirigeants américains.
À cette époque, en raison des échecs des tentatives de déstabilisation de la Guinée, Sékou Touré était supposé avoir la couverture de la CIA.
Avec la mort de Kennedy, l’aventure qui guinéo-américaine perd de sa saveur, Sékou Touré soupçonnant la main noire de son successeur de son ami dans le crime.
Bien avant, l’URSS et les pays du Pact de Varsovie faisaient des yeux doux à la Guinée. Nikita Kroutchev aussi, avait de l’admiration pour Sékou Touré, surtout lors de l’assemblée générale de l’ONU en 1960. Mais, c’est Leonid Breijnev qui été l’artisan du rapprochement veritable entre la Guinée et L’URSS.
Influent membre du BP du PCUS, il a piloté l’opération de séduction de 1959 à 1964. Les choses deviendront plus faciles lorsqu’il prit la direction de l’URSS en 1964, à la mort de Kroutchev. Kennedy est mort 2 ans plus tôt.
Les autres puissances capitalistes d’Europe ne s’intéressent presque pas à la Guinée pour ne pas frustrer la France. Le champ est libre pour le monde communiste y compris la Chine. Du point de vue de la « protection géopolitique », la Guinée n’a presque pas de choix. Sur le plan de la politique intérieure, des voix plus ou discordantes commencent à se faire entendre sur le fonctionnement et les rapports entre le Parti unique et l’Etat. Sékou Touré se veut à la tête des deux.
Ce sujet sensible sera déterminant dans les rapports personnels entre les principaux acteurs de notre indépendance.C’est dans ce double contexte (externe et interne) que la Voie de développement non capitaliste est proclamé par le régime, à travers la Loi-cadre du 8 novembre.
La Guinée vient de basculer dans le socialisme. Le type de régime politique et économique est officiellement déclaré. Dès lors, l’aide du bloc communiste devient incommensurable : des infrastructures à la formation, en passant par l’armée et l’aviation civile, le bloc de l’Est marque sa présence.
Moscou sera ironiquement appelé Conakry 3, en raison des milliers de bourses d’études octroyées dans tous les domaines de la formation, durant 2 décennies. Le concept « VOIE DE DÉVELOPPEMENT NON CAPITALISTE » est une ambiguïté que seul le Responsable suprême de la Révolution savait développer avec brio.
En réalité, l’homme ne voulait pas trop offusquer les capitalistes. C’est comme pour dire : « TOUT DE MÊME, JE NE SUIS PAS COMMUNISTE ».
Cette ambiguïté s’est vite accommodée à l’esprit du Mouvement des Non Alignés, dont Sékou Touré sera un des plus grands chantres durant les années 70.
Le culte de la personnalité, la collectivisation des moyens de production et des forces productives, la Milice populaire, les tribunaux populaires, la suppression des libertés d’expression et d’initiatives, sont tous les conséquences de la Loi cadre.
In fine, la Loi cadre du 8 novembre 1964 aura été proclamée pour indiquer la direction du navire et renforcer les pouvoirs de navigation de son Commandant.
Je reste convaincu que si Kennedy avait fait 2 mandats à la tête des États-Unis, si De Gaulle n’avait pas saboté le régime de Sékou Touré, il n’y aurait pas eu cette Loi Cadre en 1964. La Guinée resterait libérale et panafricaniste.
C’est ce que m’inspire l’anniversaire du 8 novembre.
Ibrahima Jair KEITA pour GCO
© Copyright © 2022 GuineeConakry.online