[Reportage] Haïti: à l’hôpital de Dame-Marie, la peur du choléra
Par RFI Publié le 11-10-2016 Modifié le 11-10-2016 à 19:48
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Des patients recoivent un traitement contre le choléra au centre médical de Les Anglais, le 10 octobre 2016, après le passage de l’ouragan Matthew.
REUTERS/Andres Martinez Casares

Le département de la Grand’Anse a été le plus durement touché pendant le passage de l’ouragan Matthew, dans la nuit du lundi au mardi 4 octobre 2016, et l’on redoute une recrudescence des cas de choléra. De nombreux sinistrés n’ont pas de quoi se nourrir, ni de toit et ils boivent une eau insalubre. Une semaine après, la situation sanitaire et médicale est critique.

Avec nos envoyés spéciaux à Haïti,  Stefanie Schüler

Dans les couloirs de l’hôpital de Dame-Marie, la peur du choléra est bien présente. Le docteur Belane Saint Louis craint les jours et semaines à venir. « Nous sommes dans une situation très grave et ce que je crains le plus, c’est le lendemain. C’est-à-dire, qu’est-ce qui va arriver après parce qu’il n’y a pas d’eau et les eaux sont déjà contaminées et il ne serait pas étonnant d’avoir une crise de choléra. Et nous n’avons pas un corps médical [suffisant, ndlr] pour répondre à cette urgence. Il nous manque de tout, surtout du sérum et des antibiotiques, nous n’en avons presque pas. »

Le collègue du docteur Belane Saint Louis, observe avec inquiétude l’évolution de l’épidémie de choléra dans les communes voisines de Dame-Marie. « C’est vraiment une préoccupation au niveau des zones avoisinantes. On a eu pas mal de cas, mais pour le moment on a un seul cas qui est sous contrôle. A Dame-Marie on n’a pas vraiment une barrière de défense qui est très forte, mais tout est sous contrôle au niveau des cas de choléra », assure le médecin.

L’aide tant attendu commence à arriver enfin à Dame-Marie. Depuis ce dimanche, une infirmière et deux médecins américains prêtent main forte aux équipes de l’hôpital local.

Deux stations de production d’eau potable, envoyées par la France ont été livrées dans le premier cargo français d’aide humanitaire qui a atterri ce mardi matin à Port-au-Prince. L’avion transportait 69 tonnes de fret humanitaire, dont des médicaments et des kits contre le choléra.

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Infections

L’insalubrité extrême ne favorise pas seulement la recrudescence de choléra. Elle provoque aussi toutes sortes d’autres maladies. Les enfants sont les plus vulnérables.

Renande Saint Cloud tient sa petite fille d’un an et demi dans ses bras. L’enfant tousse. Ses jambes et bras sont couverts de petites plaies ouvertes. « Je suis venue à l’hôpital avec ma fille, raconte-t-elle. Comme nous dormons dans la rue, elle a pris froid avec l’humidité qui tombe la nuit. Elle a de la fièvre et une inflammation qui affecte certains de ses membres. C’est une forte infection. Je suis dans une situation très grave : je n’ai plus de maison, pas de vêtements et pas à manger. On n’a même plus d’eau portable. Même ici à l’hôpital, je n’ai pas aux médicaments. Parce que je dors dans la rue. »

Les médicaments à l’hôpital sont payants, et Renande Saint Cloud ne possède pas assez d’argent pour les acheter. « Pour nous faire à manger, nous faisons bouillir les fruits de l’arbre véritable qui sont tombés lors du passage de l’ouragan. On y ajoute du sel et on boit ensuite l’eau de la cuisson. »

Renande a une autre fille qui a été blessée puis soignée après le passage de l’ouragan. « Mais maintenant j’ai trois autres enfants dont la mère est décédée dans l’ouragan. Je les ai pris avec moi. Du coup j’ai cinq enfants. »