La COP climat est un évènement planétaire qui rassemble chaque année pour quelques jours la plus grande diversité d’acteurs : représentants des états, dignitaires de populations autochtones, lobbyistes, philanthropes, journalistes, membres d’associations non-gouvernementales, dirigeants politiques et… quelques représentants du monde académique, chercheurs majoritairement.
Des négociations qui courent sur toute l’année et des décisions prises par consensus
Si, médiatiquement, la COP ne semble se dérouler que quelques jours par an, les négociations commencent en fait bien avant la conférence. C’est en effet durant toute l’année que sont élaborées les positions nationales, souvent basées sur les Contributions Déterminées au niveau National (CDN) prévues dans l’Accord de Paris et définissant les efforts déployés par chaque pays pour réduire ses émissions nationales et s’adapter aux effets du changement climatique. La COP débute elle ensuite par des sessions plénières, suivies de groupes de travail thématiques (finance, adaptation, etc.). En parallèle, des consultations informelles, à huis clos et en petits groupes, sont également menées pour résoudre les impasses.
Les décisions sont prises par consensus des 198 parties représentées (197 pays signataires plus l’Union européenne), signifiant qu’un accord doit être acceptable pour tous, même s’il ne satisfait pas pleinement chaque partie. Les textes finaux sont ensuite soumis à l’approbation en session plénière et peuvent inclure des mécanismes spécifiques par exemple le marché du carbone.
Comment est choisi le pays hôte
Le pays qui accueille, et donc préside la COP, joue un rôle clé dans les négociations en facilitant le dialogue entre les parties, y compris en proposant des compromis vers un accord final.
Il est choisi par rotation parmi cinq groupes des Nations unies : Afrique, Asie-Pacifique, Europe orientale, Amérique latine et Caraïbes, et Europe occidentale. Les pays sont invités à soumettre leur candidature tandis que la décision finale est prise par consensus entre les pays membres.
En plus de la rotation géographique, le pays hôte doit remplir des critères logistiques et sécuritaires. Enfin, bien que la candidature ne soit pas exclusivement réservée aux pays exemplaires en matière de climat, les hôtes doivent démontrer leur engagement en faveur des actions climatiques.
Des dernières COP centrées sur les pertes et préjudices et le premier bilan de l’accord de Paris
Lors des deux dernières éditions de la COP, des travaux importants ont abouti avec la mise en place du fonds pertes et préjudices, discuté lors de la COP27 et voté dès la première journée de la COP28 (Dubaï, E.A.U., 2023). Il prévoit une contribution des pays les plus riches à l’alimentation d’un fonds opéré par la Banque mondiale et visant à indemniser les pays les plus touchés par le changement climatique.
Même si ce fonds a reçu pour l’instant une dotation très insuffisante en regard de ses besoins, c’est un premier pas dans la reconnaissance des préjudices résultant du changement climatique et de la mise en œuvre d’un mécanisme de solidarité internationale. Le premier appel à contributions a ainsi totalisé autour de 700 millions de dollars, et la France y a promis plus de 100 millions d’euros.
Autre moment fort de la COP28, la présentation du premier bilan mondial : la feuille de route décidée lors de la COP21 prévoit de faire tous les 5 ans un bilan des progrès collectifs accomplis pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris en ce qui concerne l’atténuation, l’adaptation et la protection (par exemple contre l’élévation du niveau de la mer) et les moyens de mise en œuvre. Pour mémoire, les émissions mondiales doivent être réduites de moitié d’ici 2030 pour respecter l’accord de Paris.
À Dubaï en 2023, la déclaration commune adoptée finalement indiquait, au sujet le plus controversé des énergies fossiles, la nécessité de « s’éloigner des combustibles fossiles dans les systèmes énergétiques, de manière juste, ordonnée et équitable, en accélérant l’action au cours de cette décennie critique, afin d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, conformément à la science. »
À la COP29, des scientifiques moins présents ?
Avec la sélection de l’Azerbaïdjan comme pays hôte de la COP29 qui se tiendra à Bakou du 11 au 22 novembre 2024, de nombreuses questions se sont posées, à nouveau, quant au choix d’un pays dont l’économie est significativement basée sur l’exploitation de ressources fossiles. Contrairement aux Émirats arabes unis qui avaient organisé la COP28 à Dubaï sur le site de l’exposition universelle de 2020 et qui aura, au final, réunis plus de 100 000 participants, les infrastructures à Bakou ne peuvent pas accueillir autant de participants. Cela a conduit à une réduction considérable du nombre d’accréditations mises à disposition des organisations observatrices, parmi lesquelles les rares établissements d’enseignement supérieur et de recherche actifs lors des COP.
En effet, l’allocation initiale de quotas pour la COP29 a connu une diminution substantielle (près de 40 %) par rapport à l’édition précédente. En revanche, un effort notable a été engagé afin que l’ensemble des régions et des groupes soient représentés. Par exemple, un plus grand nombre d’accréditations ont été accordées aux universités dites du Sud. Similairement, au-delà des accréditations, les pavillons portés par des universités n’ont pas été retenus pour la zone bleue cette année.
C’est pourtant ces établissements qui sont sans doute les plus à même de développer les formations, connaissances et technologies indispensables à la lutte contre le changement climatique et à l’adaptation à ses conséquences. Le rôle de la science est primordial pour apporter des réponses face à ces défis majeurs. Dans ce contexte, les universités du monde entier, hauts lieux de science dans lesquels s’effectuent recherche et innovation, auront plus de difficultés à faire entendre leur voix. Elles pourront tout de même compter sur l’Alliance des Universités Azerbaïdjanaises pour le Climat, soutenue par la présidence de la COP, qui s’est officialisée lors de la semaine du climat de Bakou.
Au programme de cette COP29, on trouvera sinon des sujets comme l’accroissement du financement international pour la lutte contre le changement climatique, l’élimination progressive des combustibles fossiles et l’élargissement de droits d’émission au niveau mondial.
La nécessité du multilatéralisme
L’environnement est un tout qui ne connaît pas de frontières ; les masses d’air se déplacent au gré des conditions de pression atmosphérique, les systèmes aqueux sont interconnectés et le cycle de l’eau comprend les trois états physiques. C’est ainsi que cette substance se déplace des sommets enneigés aux cours d’eau, mers et océans avant de s’évaporer pour constituer les nuages. La mise en place d’actions locales isolées est donc très peu susceptible de conduire efficacement à la modération du changement climatique et à l’adaptation à ses conséquences. C’est par conséquent par l’instauration d’un dialogue multilatéral que des solutions globales peuvent être envisagées. Autrement dit, assoir tout le monde autour de la table pour intégrer les connaissances, contraintes, besoins et aspirations de chacun.
Pour nourrir les échanges entre négociateurs sur ces sujets complexes, la science se doit à la fois de rendre ses enseignements accessibles au plus grand nombre tout en adoptant des approches scientifiques propres à la compréhension de problématiques globales.
Mais le changement de paradigme qui s’opère depuis Galilée quant à notre place dans l’univers plaide notamment pour des approches transdisciplinaires permettant d’agréger et d’interconnecter les savoirs lorsqu’ils abordent des questions difficiles sur des objets ou des systèmes nécessairement complexes par leur nature et leur diversité. Là où les disciplines traditionnelles peuvent être définies par des objets observables ou formalisés, des méthodes et procédures spécifiques, la transdisciplinarité favorise une approche à plusieurs niveaux, coordonnée vers un objectif commun.
Comme le souligne le sociologue Edgar Morin, celle-ci a joué un rôle fécond dans l’histoire des sciences, et demeure plus que jamais cruciale pour aborder un enjeu aussi global que celui du climat. Le réchauffement climatique en lien avec l’augmentation du dioxyde de carbone dans l’atmosphère (effet de serre) a été pour la première fois théorisé par un chimiste (le Suédois Svante Arrhenius à la fin du 19ème siècle). Mais la lutte contre le réchauffement climatique implique elle des questions de gouvernances mondiales, de droit, de sociologie, d’agronomie, et d’énergie, qui peuvent, elles, être l’objet d’études de nombreuses autres disciplines.** Les différentes approches transdisciplinaires permettent également d’évoluer vers des modèles de transmission des savoirs plus inclusifs, dynamiques et collaboratifs, qui enrichissent les connaissances et processus de recherche. La transdisciplinarité représente ainsi une opportunité pour la résolution de défis environnementaux complexes tels que le changement climatique, discutés au niveau international lors des COP.
À la veille de l’ouverture officielle de la COP29 en Azerbaïdjan, et faisant suite à une préparation tout au long de l’année, la place de la science comme guide dans l’évaluation de la situation et la conception de mesures d’adaptation et de limitation du changement climatique doit cependant encore se renforcer, en accord avec la mention explicite à celle-ci lors de la déclaration finale de la COP28 (voir plus haut).
Les institutions d’enseignement supérieur et de recherche sont des lieux de production de connaissances, de développement d’innovations, de formation et de transmission. Les scientifiques sont naturellement rompus au débat contradictoire, à la recherche d’éléments de compréhension et de prédiction permettant l’élaboration de solutions ou de visions les plus pertinentes, neutres et objectives. Ils doivent de ce fait jouer un rôle plus important dans les débats, dans l’accompagnement des négociateurs et pour éclairer les décideurs politiques. Ainsi des prises de décisions basées sur la connaissance scientifique ne doivent plus être une option mais une obligation dans l’intérêt commun de l’humanité toute entière.