Il y a 19 ans, le volcan Nyiragongo était encore en éruption. Justin Morel Junior était sur les lieux, pour témoigner de la situation, dépêché par l’Unicef. Voici ce qu’il écrivait …

Goma, 04 février  2002 Voici donc Goma, ville meurtrie, ville martyre. Le volcan Nyiragongo a balafré la cité de ses laves fluides et incandescentes, de ses scories fumantes puis refroidies. Les fumerolles que les vents poussent, transportent encore cette odeur de méthane qui enveloppe la ville en maints endroits.

Comme une pieuvre rapace, Nyiragongo a étendu ses tentacules partout dans cette ville de quelque 450.000 habitants. Entre ces amas calcinés, ces cendres envahissantes, erre encore une population sur laquelle le volcan a impitoyablement craché sa colère. Ces gravats de trois mètres de haut, ces arbres carbonisés, ces maisons décoiffées ou découpées, ces rues recouvertes de scories, ces immeubles terrassés, ces écoles et marchés enfouis; bref, toutes ces ruines témoignent de la violence de l’éruption du 17 janvier qui a fait de 30% des habitants de Goma désormais, des sans-abris.

Si les premiers jours, ce sont environ 150.000 personnes qui s’étaient réfugiées au Rwanda voisin, dans les villes de Gisenyi et Ruhengeri; depuis, la plupart sont revenus, malgré les conseils des volcanologues les invitant à la prudence. Les populations ont avec bravoure autant que possible déblayé les rues des tonnes d’immondices, pour permettre une certaine fluidité de la communication. La ville qui n’est plus divisée en deux, essaie de survivre en tutoyant quotidiennement le danger.Nyiragongo eruption case study

Dans ce décor de désastre, des enfants perdus, éberlués, plus à la recherche de pitance que de leurs parents. Les femmes gardent cependant leur dignité devant cette catastrophe, mais les bébés qu’elles portent au dos pleurent leur faim. La lutte pour la survie est un combat de tous les jours. Soixante dix-sept mille familles sont ainsi en situation de précarité absolue, nécessitant une action concertée immédiate.

Les humanitaires sont venus de partout pour aider les populations en état d’urgence. Mais l’Unicef qui était déjà en activité à Goma, s’est rapidement déployée pour cerner la situation et essayer de donner les appuis nécessaires aux populations en détresse. Les mouvements des populations sinistrées entre le nord Kivu et le Rwanda ayant provoqué d’énormes déplacements d’enfants non accompagnés, particulièrement sur l’axe Goma-Sake-Minova-Bukavu ou encore Goma-Rutshuru, L’Unicef, en collaboration avec Save the Children et le CICR, s’est engagé dans le volet enfants non accompagnés ou séparés de leurs familles dans la zone de Goma. Deux cents enfants ont pu être identifiés au Rwanda, 250 à Goma et 89 à Bukavu. Par ailleurs 707 demandes de recherches ont été déposées par des familles. Entre identification des enfants et réunification des familles, L’Unicef, le CICR et les Ong locales internationales, ont pleinement collaboré pour améliorer la situation des uns et des autres. Une réponse humaine rapide qui a permis de sauver beaucoup d’enfants de l’insécurité ambiante.

L’urgence a consolidé à Goma la synergie entre les agences humanitaires et c’est tant mieux. S’appuyant sur une stratégie de communication de proximité, L’Unicef grâce à ses messages diffusés sur les antennes de la Radio locale et la mise en place de points d’écoute a pu assurer en harmonie avec les parents et les responsables communautaires une assistance directe à près de 400 enfants victimes du Nyiragongo, et cela, malgré la destruction de ses magasins par les éléments déchainés, qui ont aussi rayé 45 écoles de Goma de la carte, livrant ainsi à eux mêmes 24.000 élèves du primaire et du secondaire.Special Report - Nyiragongo Volcano Eruption 2002

Une situation préoccupante qui fait l’objet de toutes les réflexions actuellement, même si certains annoncent que le 25 février devrait voir la reprise des cours. Il est vrai que ce n’est pas une tâche facile, pris en étau entre les conseils de prudence des scientifiques et l’attachement viscéral des populations à leur Goma natal, les humanitaires présents à Goma sont pressés de toutes parts de priorités en santé, en nutrition, en eau et assainissement, etc.

Impliquée effectivement dans les différentes opérations depuis le 17 janvier, L’Unicef a pu fournir entre autres, 200.000 tonnes de matériels d’urgence non alimentaires ( couvertures, savons, bidons, bâches,), mais aussi des kits nutritionnels, 21.200 pastilles de purification de l’eau et quelque 900 kilogrammes de chlore pour le traitement de l’eau, 30.000 tonnes de lait thérapeutique, etc. Cette aide a pu profiter à près de 77.000 familles.

Pour prévenir une propable épidémie, l’Unicef en collaboration avec ses partenaires habituels, notamment l’OMS ainsi que des ONGs internationales (MSF- Belgique, Save The Children) appuiera une grande campagne de vaccination contre la rougeole du 6-11 février 2002, ciblant les 400.000 enfants de 6 mois à 15 ans de la ville de Goma et de la zone sanitaire de Kirotche. La ville de Bukavu qui abrite environ 20.000 déplacés a reçu également une assistance en non vivres pour faire face à l’épreuve. Des médicaments y seront prépositionnés pour une intervention rapide en cas de choléra.Mount Nyiragongo volcano eruption make DR Congo evacuate city of Goma - BBC  News Pidgin

Pendant ce temps, malgré tous les risques annoncés par les experts, (car la terre frémit encore à Goma), de jour comme de nuit, des bruits sourds secouent de façon spasmodique la ville; en dépit de tout cela, la vie reprend le dessus. Les populations s’affairent à retrouver leurs lopins perdus dans ces déchets volcaniques. Tandis que les volcanologues continuent leurs relevés techniques, les habitants de Goma, ramassent des tôles par-ci, des briques ou des blocs par là, pour se refaire un toit. Une situation incertaine qui est un défi permanent à… demain que tout le monde ici redoute tout en s’accrochant éperdument à Goma.

Justin MOREL Junior pour l’UNICEF

Camp Goma, RDC