Ce peut être un frère ou une sœur, un voisin, une collègue de travail… Nous avons probablement tous, dans notre entourage, une personne qui refuse de mettre un masque, même si le port de celui-ci est recommandé, voire obligatoire dans certains lieux.

Les médias se font souvent le relais de ces gens qui considèrent qu’ils ont le droit de ne pas porter de masque, tels les partisans du hashtag #bunningskaren (devenu viral après qu’une cliente de la chaîne de quincailleries australienne Bunnings Warehouse, qui refusait de porter un masque, s’est filmée en train de prendre à partie les employés du magasin et a diffusé la vidéo sur les réseaux sociaux). Des objecteurs qui, parfois, n’hésitent pas à recourir à la violence pour faire entendre leurs objections.

Malgré tout, avec la bonne approche, certains peuvent changer d’avis. Comment savoir si cela vaut la peine de tenter de convaincre quelqu’un qui refuse de porter un masque ? Quelle est la meilleure façon de s’y prendre pour échanger avec un tel interlocuteur ?

Crier « Masque, svp ! » ne servira à rien

La perception et la tolérance du risque, ainsi que la vulnérabilité physique et psychologique, varient d’une personne à l’autre. Il se peut qu’il faille négocier l’adoption du port du masque exactement comme il a fallu négocier l’adoption des nouveaux comportements rendus nécessaires par la dissémination d’un autre virus émergent, le VIH. Ce qui laisse présager de nombreuses conversations compliquées.


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Il est important de veiller à ce que nos propres émotions n’obscurcissent pas le message que nous voulons faire passer. Laisser transparaître son anxiété, voire sa peur, se sentir outragé et le montrer, se mettre en colère constituent autant d’attitudes qui vont brouiller notre message et mener à ce que la personne avec laquelle nous essayons de communiquer se braque. « Je veux que tu portes un masque quand tu prendras le train pour aller voir notre père » risque, dans ces conditions, d’être entendu comme « je juge que tu te comportes mal, ce qui me met en colère contre toi. ».

Femme inquiète utilisant un smartphone

Avoir conversation sur le masque alors que vous êtes en colère ou anxieux peut être contre-productif. Shutterstock

Ironiquement, la pandémie accroît le risque de mauvaise communication. En cas de stress ou d’émotion intense, notre cerveau est en effet plus susceptible d’activer les mécanismes de « combat-fuite », ce qui affecte la façon dont nous communiquons et dont nos messages sont reçus.

Si une personne se refuse à porter un masque, car ce refus lui donne le sentiment de garder le contrôle, ou si son rejet du masque est lié à son identité – dans le cas de quelqu’un qui se considère comme n’étant pas une « personne à problème » par exemple – alors insister pour qu’elle porte le masque peut l’inciter à se mettre sur la défensive. Or, les gens sur la défensive sont non seulement moins disposés à écouter, mais aussi moins à même d’assimiler les informations ou de les évaluer correctement.

Par conséquent, critiquer l’opinion de quelqu’un – qui pense, par exemple, que le port du masque ne sert à rien – peut l’amener à « se déconnecter » de ce que vous êtes en train de lui dire, et l’ancrer plus fermement encore dans ses croyances.

Alors, qu’est-ce qui fonctionne ?

Une bonne communication nécessite une bonne préparation. Les auteurs du livre Crucial Conversations recommandent en premier lieu de s’interroger sur le résultat que nous visons, et sur la relation que nous souhaitons mettre en place.

L’objectif est de faire en sorte que cette dernière reste respectueuse et que les canaux de communication demeurent ouverts, y compris après cette pandémie. L’idée est que les « négociations » entamées durant cette pandémie puissent être reprises lorsque de nouvelles circonstances similaires se présenteront.

Vous ne changerez pas intégralement les croyances ou les actes de votre interlocuteur. Plutôt que d’essayer, il est préférable de négocier avec lui un changement de comportement qui soit à même d’en minimiser les dommages. Ce qui pourrait se traduire par : « Tu fais comme tu veux le reste du temps, mais si tu décides de rendre visite à papa, pourrais-tu faire en sorte de porter un masque ? ».

Respect, empathie, appel aux valeurs

Pour éviter que son interlocuteur ne soit sur la défensive et trouver des bases de négociation, il est utile de comprendre et respecter ses valeurs, et d’identifier celles qui sont communes aux nôtres.

On peut par exemple débuter l’échange en disant : « je me rends compte qu’il est important pour vous de garder de la distance et un certain scepticisme vis-à-vis de la situation, et je suis tout à fait d’accord avec vous, d’autant que les preuves avancées par les scientifiques changent fréquemment. Cependant, étant donné qu’il est clairement établi que même certaines personnes jeunes et en bonne santé peuvent tomber gravement malades à cause de ce nouveau virus, pourrais-je vous demander de porter un masque pendant notre voyage ? »


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Demander à quelqu’un les raisons pour lesquelles il ne porte pas de masque, au lieu de lui intimer d’en porter un, peut aussi s’avérer utile. En effet, offrir à son interlocuteur la possibilité d’être entendu diminue les attitudes défensives.

Les raisons pour lesquelles les gens ne portent pas de masque sont nombreuses. Écouter quelqu’un exposer les siennes peut être l’occasion de l’aider à résoudre certains de ses problèmes (surtout si nous nous abstenons de donner des conseils – mieux vaut demander en quoi notre aide pourrait être utile).

La compassion ou l’empathie nous permettent aussi d’entendre la position d’autrui tout en consolidant la nôtre.

Acquiescer jusqu’à un certain point peut s’avérer utile pour faire avancer la négociation : « moi aussi, tous ces contrôles sur nos vies me rendent fou, et j’ai l’impression qu’un grand nombre d’entre eux n’ont aucun sens » ; « je peux me tromper, et ma réaction est peut-être un peu excessive », etc. n’empêche pas de conclure par « mais s’il vous plaît, faites-moi une faveur et portez votre masque, ne serait-ce que dans ce train… »

L’empathie peut également aider à préserver une relation tout en posant une limite : « Notre relation est importante pour moi, et je veux vraiment continuer à te voir. Cependant, et je déteste te dire cela, je ne peux pas accepter que tu nous rendes visite sans masque. Au moins jusqu’à ce que le nombre de cas diminue. »

Une approche sans jugement peut convaincre

Des travaux ont montré que certains groupes masculins – notamment les hommes les plus jeunes, ceux dont les opinions politiques sont davantage conservatrices, ceux dont le niveau de connaissances sur les thèmes liés à la santé est le plus bas, ainsi que les hommes qui ont tendance à être le plus en accord avec les valeurs traditionnelles de masculinité – sont parmi les plus susceptibles de résister au port du masque.


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La mise en œuvre d’une communication dépourvue de jugement est cependant tout aussi efficace avec eux qu’avec les autres groupes.

Lorsque Julia Marcus, professeur à Harvard, a écrit sur sur ce phénomène des « hommes anti-masques » sans chercher à leur faire honte ni les juger, nombre d’entre eux l’ont contactée, et se sont dits prêts à écouter son point de vue.

En résumé, lorsque nous discutons avec des anti-masques, si nous nous gardons de porter un jugement, si nous faisons preuve d’empathie et si nos objectifs sont clairs, nous pouvons parvenir à passer outre les réactions contre-productives. Il faut surtout éviter d’ignorer leurs préoccupations, et ne pas les réprimander…

Se placer dans une telle disposition d’esprit permet de trouver les ressources pour adapter notre communication à ce que peut entendre la personne en face de nous. Cela crée un espace au sein duquel elle se sentira libre de s’exprimer en toute sécurité. Ce n’est qu’à partir de ce moment que notre communication pourra être réellement efficace.

La version originale de cet article a été publiée en anglais.

Auteur

  1.  ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son poste universitaire.

Source : The Conversation