C’est dans le contexte de l’arrivée du COVID-19 qu’ont eu lieu ce 22 mars 2020 les élections législatives et le référendum proposé par le président guinéen Alpha Condé en vue d’une réforme constitutionnelle. Boycotté par l’opposition et suspecté de nombreuses fraudes, le double scrutin ouvre la voie à un troisième mandat que la Constitution ne permettait pas. Cependant, s’il a gagné dans les urnes, le pouvoir guinéen se retrouve isolé, tant à l’intérieur du pays que dans la région.

On le voit, la voie choisie par le président Condé de gouverner avec un parlement lui ouvrant la porte à un troisième mandat, voire plus, est une voie qui risque d’enflammer le pays. Les répressions des manifestations de ces derniers mois et du 22 mars laissent présager le pire pour les mois à venir et menacent la stabilité du pays. L’opposition a déjà annoncé sa demande d’annulation du double scrutin législatif et référendaire et n’en reconnaît pas les résultats.

Les élections présidentielles prévues fin 2020 seront fortement chahutées si des mesures ne sont pas prises.

Sont signalés des décès par balle en marge des manifestations, des blessés graves, des arrestations arbitraires, disparitions forcées, intimidations, harcèlement et emprisonnement récurrents des leaders de la contestation.

Dans ce contexte l’UE, la CEDEAO et autres instances internationales ont un rôle à jouer pour empêcher les dérives existantes et annoncées, notamment en enjoignant les forces armées à faire preuve de retenue lors des mobilisations, en veillant au maintien de l’espace réservé à la société civile et en menant des enquêtes sur les violations des droits humains perpétrées ces deniers mois.

La Belgique, qui a depuis peu entamé une relation de coopération officielle avec la Guinée, peut également jouer un rôle dans le dialogue qu’elle entretient avec les autorités guinéennes pour affirmer son soutien à la démocratie et pousser au dialogue entre les parties, avant que la situation ne dégénère davantage.

RECOMMANDATIONS

La formule ces recommandations qui suivent à l’attention de diverses parties prenantes du processus électoral en vue de l’apaisement du contexte général et de l’amélioration des scrutins à venir :

AU GOUVERNEMENT

  • Privilégier l’approche inclusive et consensuelle dans la mise en application des réformes constitutionnelles, législatives et électorales à travers la mise en place d’un cadre de concertation permanent entre les acteurs politiques et les autres parties prenantes au processus électoral ;
  • Renouer le dialogue avec l’opposition politique en vue de la mise en application des réformes plus consensuelles et l’apaisement de l’environnement politique, gages de l’organisation d’élections inclusives ;
  • Mettre fin aux multiples injonctions des administrateurs territoriaux dans le processus électoral, caractérisées lors de ce double scrutin par une réelle substitution par endroit des représentants de la CENI, qui ont été relégués à des simples exécutants de directives données par les préfets.

 A LA CENI

  • Mettre en place des cadres de concertation avec les parties prenantes afin de dissiper les suspicions et de promouvoir un climat de confiance ;
  • Renforcer les capacités des agents électoraux à travers une formation adéquate administrée à temps pour une meilleure appropriation des procédures afin d’harmoniser l’application de ces procédures lors des prochaines échéances électorales.

A LA COUR CONSTITUTIONNELLE

  • En tant que la plus haute juridiction en matière électorale, qui statue en dernier ressort, assurer une qualité dans ses décisions ; gage de stabilité pour le pays.

AUX FORMATIONS POLITIQUES

  • Œuvrer à la consolidation de la paix à travers le maintien du dialogue politique et la recherche constante du consensus dans le respect des lois ;
  • Proposer une réforme consensuelle de la loi électorale et de la CENI à la suite d’un débat ouvert avec toutes les parties prenantes au processus électoral (Administration, partis parlementaires et extra-parlementaires, société civile et Experts internationaux).

A LA SOCIÉTÉ CIVILE

  • Demeurer apolitique, et à tout prix rester fidèle à ses missions quelles que soient les circonstances.
  • Poursuivre ses efforts de plaidoyer auprès du Gouvernement et des forces politiques nationales en vue de préserver et de consolider la culture du consensus et de rétablir le dialogue politique en Guinée, tout en poursuivant ses efforts d’éveil de la conscience citoyenne des populations ;
  • Maintenir son élan de mutualisation des forces et ressources pour davantage de synergies d’action dans le domaine des élections et de la gouvernance démocratique.

 

Thierno Lamine DIALLO pour GCO