Pour la princesse Esmeralda, « je pense qu’il est très important qu’on évoque le problème des excuses » au nom de la Belgique, à l’adresse du peuple congolais, pour les atrocités commises par notre pays lors de la colonisation.
La fille du roi Léopold III et de sa seconde épouse Liliane Baels de Réthy, dans une interview à la RTBF, estime que cette question des excuses a été « parfois suggérée«  mais « n’a jamais été vraiment débattue. Pour vraiment terminer ce passé tellement douloureux (avec) ces crimes, ses exactions, il est important que les pays européens et la Belgique en particulier reconnaissent leur responsable, présente des excuses.«
C’est le gouvernement qui doit le décider
Qui doit présenter les excuses de la Belgique ? Le roi Philippe ? Le gouvernement ? « C’est le gouvernement qui doit le décider. Le Roi ne pourra jamais le faire de lui-même. Mais ce serait évidemment très fort si le gouvernement et le Roi le font ensemble étant donné le côté personnel de la famille royale dans ce débat. » Pour rappel, le Congo au moment de sa colonisation a d’abord été la propriété personnelle du roi Léopold II avant d’être cédée au pays, en 1908, un an avant le décès du souverain.
« Je ne suis pas la personne qui doit le demander. Mais il est évident que pour les Africains, cela doit être quelque chose de très très important« , ajoute la princesse Esmeralda, qui vit actuellement à Londres.
Il ne faut pas se cacher que c’est difficile
Esmeralda ajoute : « Il ne faut pas se cacher que c’est difficile. Quand le président français Emmanuel Macron a dit que la colonisation (en Algérie) est un crime contre l’humanité – il a eu le courage de le dire -, il a eu beaucoup de retours de bâton. C’est un sujet qui est très délicat et qui ne devrait pas l’être. En fait, on n’a jamais eu cette conversation, cette éducation qui est tellement essentielle pour comprendre le passé et comprendre le racisme actuel.«
Les statues « font partie de l’hégémonie blanche »
Celle qui est membre de la famille royale évoque également la personnalité de Léopold II et l’exploitation des richesses du Congo qu’il a initiée dès 1885. « C’est évident que le fait d’avoir des statues de colonisateurs et en l’occurrence de Léopold II fait partie de l’hégémonie blanche. Tout l’espace public est rempli par nos statues, par nos colonisateurs, par nos marchands d’esclaves par exemple au Royaume-Uni. Pour les minorités, c’est quelque chose de très douloureux car il n’y a pas de contrepartie, il n’y a pas de monuments aux esclaves, aux colonisés. »
Et cela va bien au-delà du rôle de Léopold II, estime-t-elle. « Est-ce que lui personnellement a demandé de faire tel ou tel crime ? Ce n’est pas cela le problème. Peut-être qu’on lui a mis sur les épaules beaucoup de choses ? Mais ce n’est pas cela le problème. Il était le chef de l’Etat au moment de la colonisation qui est une période et un système d’exploitation qu’on doit dénoncer.«
Depuis plusieurs jours, on assiste à des actes de vandalisme sur des statues de Léopold II, à leur déboulonnage. Dans la nuit de jeudi à vendredi, un nouvel acte a été perpétré à Auderghem, sur le boulevard du Souverain. La princesse Esmeralda dit comprendre ces actes « parce que l’émotion est au plus fort à la suite du meurtre de George Floyd » aux Etats-Unis et qui a amplifié, partout dans le monde, le mouvement « Black Lives Matter » (les vies noirs comptent).
Quelques fois, il faut en arriver à ces excès pour qu’un déclic se passe
« Il y a des débordements. Mais ceux qui s’insurgent contre le vandalisme en fait ne se sont pas assez insurgés sur tous les crimes du racisme. On peut déplorer que cela soit fait par la violence. Mais on peut le comprendre. Il y a une espèce de ras-le-bol, du fait que toutes les demandes, toutes les pétitions, rien n’a abouti. Alors quelques fois, il faut en arriver à ces excès, pour que justement un déclic se passe.«
Il ne faut pas effacer l’histoire, ajoute-t-elle. « C’est très important pour réfléchir sur le passé. Mais je ne pense pas que ces statues justement enseignent l’histoire. Il faut qu’on l’enseigne dans les écoles, qu’on parle de la colonisation pas seulement du point de vue européen mais de ceux qui l’ont subie et qui en ont souffert.«
« Pour combattre le racisme« , déclare enfin la princesse Esmeralda, « il y a un travail profond à faire parce que le racisme est structurel. Il faut le débarrasser dans toutes nos institutions. Il y a aussi un racisme qui est subtil, qui est dans la culture, dans les médias, dans la façon dont on parle des minorités.«
Source : Benin Times