Il y a trois ans, jour pour jour, l’imprévisible se produisait à Abidjan. Invité à la sixième édition  du Femua, le festival des musiques urbaines d’Abidjan, Papa Wemba le roi de la rumba s’écroulait sur scène. Une mort vécue en direct par des milliers de spectateurs incrédules. Et comme il l’avait toujours souhaité, le 24 avril 2016, le roi de la SAPE répondait à l’appel du destin.

Né  le 14 juin 1949 dans la région du fleuve Kasaï (sud du Congo belge), Papa Wemba tenait sa passion du chant de sa mère, une « pleureuse » qu’il accompagne aux veillées funèbres alors que son père préférerait le voir devenir avocat plutôt que musicien.

Après des débuts dans des chorales religieuses, où il forge sa voix haute, très caractéristique, il arrive à Kinshasa à la fin des années 60 où, influencé comme toute sa génération par la culture anglo-saxonne, il prend le pseudonyme de « Jules Presley ».

Il participe, en 1969, à la création d’un des principaux groupes zaïrois des années 70, Zaïko Langa Langa, qui dépoussière la rumba traditionnelle (style né à la fin des années 40, qui combine rythmes afro-cubains et chants congolais) en y introduisant des rythmes rock et des sonorités électriques.

Papa Wemba crée le groupe Viva La Musica en 1977. C’est alors une star en Afrique centrale. Il fonde le village de Molokaï, près de Kinshasa, dont il s’autoproclame chef coutumier.

Papa Wemba s’installe en France en 1986 alors que sa renommée touche même le Japon, emballé par ce dandy africain qui s’habille chez les grands couturiers. Installé en Europe, Papa Wemba qui n’est pas que chanteur va être à l’origine d’un mode vestimentaire. Il devient ainsi,  le « pape » de la SAPE, la Société des Ambianceurs et des Personnes Élégantes. Né au Congo à la fin des années 70, ce mouvement prend toute son ampleur au Zaïre, mais surtout auprès de la diaspora zaïro-congolaise à l’étranger et en particulier en France. La SAPE est un phénomène d’abord vestimentaire fondé sur une élégance flamboyante et exagérée.

Fou de fringues, Papa Wemba est à la pointe de la mode et les grands couturiers européens et japonais n’ont pas de secret pour le chanteur. Les jeunes hommes s’empressent de se transformer en coquets dandys, et de suivre très précisément les codes particuliers de la SAPE, du choix de leurs chaussures à celui de la coupe de cheveux. Forme de rébellion anti-pauvreté et anti-déprime, la SAPE est aussi une façon de lutter contre la dictature de l’abacost, version locale du costume trois-pièces, et uniforme quasi officiel des hommes sous le régime de Mobutu.

Il commence à toucher un public élargi, grâce notamment à un album « world music » produit par le Français Martin Meissonnier en 1988 qui marie sonorités africaines et occidentales.

Au début des années 90, il se lie avec Peter Gabriel (ex-chanteur de Genesis, qui a lancé son label RealWorld), dont il assure les premières parties. Ce dernier va donner un second souffle à sa carrière musicale. Trois ans plus tard il  assure la première partie de la tournée américaine et européenne de Peter Gabriel.

Papa Wemba eu alors beaucoup de succès en matière de World Music comme Maria Valencia, Yolele, Sofélé, etc.

En 1995, l’album Emotion le consacre comme une des grandes figures de la World Music et sera disque d’or aux États-Unis avec plus de 500 000 exemplaires vendus.

En 1997, il est déclaré meilleur vedette africaine aux Kora 1997. Au gré de sa longue carrière de 35 ans riche de plus de soixante albums, Papa Wemba sort en 2014 un double album « Maître d’école » pour lequel le chanteur sexagénaire explique avoir voulu endosser le costume de défenseur de la rumba, conviant pour des duos sa compatriote Barbara Kanam, la Malienne Nana Kouyaté ou encore JB Mpiana, valeur sûre de la scène congolaise. Avec le décès de Papa Wemba, cet album représente un testament à l’adresse de tous les musiciens de la rumba. Après la disparition des Grand Kalé, Luambo Makiadi, Tabu Ley, Madilu, Papa Wemba était l’un des derniers grands musiciens de la génération des années soixante.

En guise d’épitaphe pour ce célèbre disparu, l’on citera le  journaliste animateur Claudy Siar, qui a bien voulu signer l’album posthume de Papa Wemba enregistré mais sorti après sa mort. Citation ‘’ Papa Wemba s’en est allé rejoindre son père disparu en 1966. En se présentant à lui, Jules Shungu Wembadio Pene Kikumba pourra dire à ce père qui ne voulait pas que son fils soit artiste musicien ‘’je t’ai désobéi car j’ai fait de la musique mon métier. Dans mon art, je suis humblement devenu un notable et riche de l’amour des mélomanes, je viens pour l’éternité me reposer à tes côtés’’. Fin de citation.

 

Thierno Saïdou DIAKITE pour GCO

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