Les manifestations politiques citoyennes ont toujours engendré des violences en Guinée. Elles se soldent pour la plupart par des pertes en vies humaines et des dégâts matériels importants. Si souvent les medias et la société civile ont les yeux braqués sur les violences urbaines des jeunes de banlieue, la violence policière, elle, passe presque inaperçue.

Pour avoir une idée de ce phénomène grandissant, on peut tout simplement relever cette incroyable statistique selon laquelle, Aboubacar Sidy Diallo, le jeune tué, une semaine plutôt, en marge de la grève du SLECG, est la 90ème victime des manifestions socio-politiques en Guinée, en l’espace de 7 ans, ce chiffre hallucinant est loin d’être exhaustif, sans compter les autres blessés et handicapés à vie.

Une histoire marquée par la violence

Du tristement célèbre camp Boiro aux pendus du pont 8 Novembre, en passant par les massacres du 22 janvier 2007, et ceux du stade du 28 septembre où l’honneur de plus d’une centaine de femmes a été souillé, entre autres, le sang du guinéen continue de couler inexorablement, avec en toile de fond, une répression militaro-politique récurrente et permanente.

En toute objectivité, la situation interpelle tout esprit épris de paix, de justesse et de liberté, à dénoncer ce laxisme et ce laisser-aller à la banalisation de la vie humaine, qui est la cause de l’accumulation de frustrations liées à des injustices. L’heure est d’autant plus gave que nous sommes dans un pays où la perception des justiciables face à l’autorité judiciaire est une appréhension de méfiance.

Des forces de l’ordre

La police, la gendarmerie ou l’armée jusqu’à un passé récent étaient considérées dans la société guinéenne comme des métiers de seconde main ou de réinsertion sociale. Conséquences : des délinquants et des bandits de grands chemins s’y sont retrouvés, sans véritable formation, ni éthique,… livrant ainsi la population à des hors la loi. Il ne se passe pas pratiquement pas une semaine dans ce pays, sans que les médias ne se fassent l’écho de corps sans vie retrouvés dans la rue, ou de petites filles ou de jeunes femmes violées ou de braquages à mains armées.

Le champ politique fortement pollué et cristallisé par des relents ethno-politiques sur lesquels surfent des politiciens de tous bords, en manque d’arguments; la politique occasionne la violence et les divisions en Guinée, cela est un fait. Malheureusement, l’État ne fait rien ou peu pour dissocier ce qui relève de la neutralité administrative et du militantisme politique. Cela se  traduit sur le terrain par des prises de position partisanes d’individus qui, en principe doivent faire preuve de neutralité absolue. Notamment au sein des forces de l’ordre.

Inopportunément, l’absence du principe d’éthique, de déontologie et de recevabilité dans la gouvernance actuelle, et l’excès de zèle teinté d’une « partisanerie » aveuglée et déloyale amènent certains éléments de la police et de la gendarmerie qui sont censés protéger et encadrer les manifestations à commettre des excès. S’autorisant sans rechigner à faire usage d’armes non conventionnelles pour le maintien d’ordre, comme les armes à feu (PM AK) non pour faire des tirs de sommation, mais pour tirer à bout portant sur des citoyens dans l’intention manifeste du tuer !

Des assassinats non élucidés par la justice

Les circonstances de la mort de trois jeunes pendant cette grève syndicale sont sans appel. C’est le cas du jeune Sidy, inhumé ce lundi qui, selon les récits rapportés par les medias, n’avait rien à voir avec la grève et qui vaquait à ses affaires, mais qui s’est vu interpellé avant d’être abattu à bout portant, comme un malfrat. Sans autre frome de procès, selon des témoignages concordants recueillis auprès de témoins oculaires.

Abdoulaye, élève de la 10èeme année au groupe scolaire Juluis Nyéréré de Conakry, âgé de 17 ans a reçu une balle le 12 février dernier, et en est mort sur le coup, tandis qu’ Alpha Oumar Diallo un autre jeune, a été fauché par un véhicule des forces de sécurité, selon les témoignages, et en est mort sur place.

Toutes ces victimes, en majorité des jeunes, dont la liste ne fait que s’allonger au gré des troubles sociopolitiques, n’ont jamais eu droit à la justice. Les auteurs de ces assassinats n’ont jamais été inquiétés et pire, ils continuent à officier au sein des forces de sécurité, narguant les parents des victimes, attendant de semer à une autre occasion, la désolation….

Brigandages et marchandage des manifestants arrêtés

Cela est un désormais un secret de polichinelle, Comme des bêtes de somme les personnes arrêtées lors des manifestations socio-politiques, qu’ils aient commis des délits ou pas sont obligés de payer pour recouvrer leur liberté. Cela se passe quasiment à chaque manifestation, au vu et au su de tout le monde. Cette pratique  s’apparente presque à un business lucratif aux seins des forces de sécurit. Les témoignages recueillis auprès de plusieurs victimes et de leurs familles l’attestent largement.

S’ils ne se font pas arrêter ou tirer dessus, les forces de sécurité se livrent au vol et au pillage des biens dans les quartiers de la banlieue. Une vidéo publiée pendant cette grève par un observateur guinéen de France24, montre sans ambages, des policiers  en train de caillasser les vitres d’un véhicule garé au bord d’une route désertée par la répression. On voit dans cette vidéo des hommes en uniforme de la police, casser sans raison les vitres du véhicule, à l’aide de jets de pierres et de matraques, sous le regard approbateur de leur chef hiérarchique.

Le mode opératoire est quasi huilé et connu de tous les jeunes noctambules. Interpellations musclées, intimidations, fouille systématique ; les poches des personnes interpellées sont passées au peigne-fin et leurs téléphones portables, argents et biens sont confisqués avant d’être embarqués.

Dans deux autres séquences vidéos publiées sont sur les réseaux sociaux; dans l’une on voit un agent des forces de l’ordre poursuivre un jeune qui marche au bord de la route. L’abordant, son premier réflexe, c’est de toucher aux poches du jeune, n’ayant rien trouvé d’intéressent à lui retirer, il peste sur lui avant que ce dernier ne s’enfuit ; dans l’autre vidéo filmé par un riverain en hauteur d’un immeuble, toujours en banlieue, on identifie clairement les agents de sécurité en train de vider le contenu d’une chambre (ventilo, magnétoscope,…..) avant d’embarquer le butin dans leurs véhicule de patrouille…

Ces agissements sont connus de tout le monde, mais dans un silence complice personne ne lève le petit doigt pour dénoncer ces atteintes aux droits humains, notamment la société civile. On laisse ce soin aux politiciens d’opposition qui ne ratent aucune occasion pour faire de la récupération.

Loin de toute exagération, le dernier rapport global d’Amnesty international sur la Guinée souligne avec force, et à juste titre la violation quasi récurrente et systématique des droits humains en Guinée. Il suffit de consulter ce rapport pour s’en convaincre.

Tandis que des citoyens réclamant des droits moisissent en prison, certains membres des forces de défense et de sécurité se promènent en toute impunité dans nos rues avec du sang sur les mains…. !

Mamadou Aliou DIALLO pour GCO        

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