23Au cours de notre récent voyage en A.O.F. nous avons visité à Labé (Guinée française) les installations d’une firme qui s’était montée au Fouta-Djalon dans le but d’exploiter l’essence de zest d’orange, les orangers étant, comme l’on sait, abondants dans cette contrée.

Cette firme s’était mise aussi à exploiter quelques plantes a parfum du pays. A notre arrivée à Mamou on nous signala qu’elle exploitait notamment les fleurs très parfumées d’un Jasmin commun sur les hauteurs du Fouta-Djalon. La chose n’avait rien d’impossible, plusieurs espèces de Jasminum existant en A.O.F. Bientôt la plante nous fût soumise pour étude, ce n’était pas un Jasmin, mais une Rubiacée qui est très commune sur les plateaux pierreux du Fouta-Djalon.

C’est le Leptactina senegambica Hook. f. connu sous les noms vernaculaires de Caro Karoundé (foula) = Péti Kioukel (foula). A Kouroussa la plante est appelée Fara Koronté ou Cayou par les Malinkés, d’après M. Brossât. C’est un arbuste de 0 m. 50 à 1 m. 50 ou 2 m. et parfois jusqu’à 3 m. de haut très ramifié dès la base à grandes fleurs blanches extrêmement parfumées. Le parfum rappelle plutôt le Gardenia que le Jasmin. La floraison commence fin octobre, sitôt la saison des pluies finie et elle se poursuit pendant toute la saison sèche.

L’arbuste est très commun dans la région montagneuse du Fouta-Djalon de 1000 m. à 1400 m. d’altitude, surtout sur les bowe (plateaux ferrugineux arides). On le trouve aussi, mais en petite quantité, bien plus bas sur les plateaux ferrugineux où coulent les Rivières du Sud et au Soudan français dans les contrées baignées par les affluents du Niger.

L’espèce n’est connue qu’en Sierra-Léone, en Guinée française et au Soudan. Le bois est dur et se polit facilement. Bien que le tronc ait un petit diamètre, d’après M. Brossât, les Malinké en font des tabatières et des instruments de musique.

Mais c’est surtout par ses fleurs très suaves que la plante est intéressante et il est probable qu’un jour ou l’autre on distillera ces fleurs. Le genre Leptactina est spécial à l’Afrique tropicale. On rencontre au Gabon le L. Mannii Hook. f. à très grandes fleurs également parfumées.
Enfin en Guinée française existe outre le L. senegambica, une seconde espèce, le L. densiflora Hook f. qui se distingue du premier par les feuilles plus grandes, luisantes en dessus et aussi par ses fleurs à plus long tube, également très parfumées. Ses fleurs pourraient être distillées aussi ; toutefois les peuplements sont beaucoup plus clairsemés.
Nous avons récolté cette deuxième espèce aux environs de Kindia et entre la rivière Kaba et Mamou. On n’a jamais essayé de tirer parti pour la parfumerie des fleurs des Jasmins d’Afrique tropicale, bien qu’il en existe un grand nombre d’espèces spontanées, dont certaines à fleurs très suaves.

Au Fouta-Djalon nous avons observé, surtout de 1200 m. à 1350 m. d’altitude une espèce qui croît, dans les terrains pierreux, le Jasminum obtusifolium Baker, formant de petits buissons de 0 m. 50 à 2 m. de haut. Il existe aussi sur les plateaux du Soudan et de la Volta.

Le long des rivières de la Guinée et du Soudan, ainsi que dans les lieux frais se rencontre une autre espèce J. dichotomum Vahl (= J. gardeniodorum Jacq.) à fleurs abondantes et comme la précédente espèce très odorantes.
Il n’est pas douteux que ces deux espèces de Jasmins africains pourraient être cultivées pour la parfumerie au même titre que les J. grandiflorum et J. mauritianum Bojer.

Enfin, dans la Famille des Labiées, certaines espèces d’Ocimum (Basilics) sont recherchées pour la fabrication du thymol. Trois espèces de l’Ouest africain sont particulièrement intéressantes à étudier au point de vue de leur rendement :

  1. americanum L.espèce à laquelle Hutghinson et Dalziel rattachent O. Basilicum Baker (non L.), O. canum Sims et O. menthaefolium A. Ghev. (non Hochst) ; il est commun à l’état spontané ou subspontané en Afrique tropicale
  2. viride Willd. Il faut y rattacher notre O. gratissimum var. macrophyllum, plante de grande taille (atteignant jusqu’à 2 m. de haut et devenant alors un véritable petit arbuste). Cette espèce est fréquemment plantée par les indigènes auprès des cases
  3. dalabaenseA. Chev. (aujourd’hui rattaché par Hutchinson à O. trichodon Baker de l’Ouganda). C’est une plante vivace, très parfumée, abondante dans certaines parties du Fouta-Djalon, sur laquelle il serait intéressant de faire des essais de distillation.

Cette note ne donne qu’un très faible aperçu des ressources de l’Afrique tropicale en plantes susceptibles d’être employées dans la préparation des huiles essentielles et des parfums. Nous reviendrons sur cette question dans des études ultérieures.

Auguste Chevalier. “Plantes à Parfums de Guinée française.” Revue de botanique appliquée et d’agriculture coloniale, 11ᵉ année, bulletin n°122, octobre 1931. pp. 831-833;
doi : 10.3406/jatba.1931.5039